A première vue, le revirement spectaculaire de l’Espagne sur le dossier du Sahara occidental est une victoire diplomatique marocaine à la Pyrrhus. Mais, outre une reconfiguration géopolitique majeure au Maghreb, ce choix ouvre la porte à une crise diplomatique avec l’Algérie. Une chose est sûre, cette redistribution des cartes, rend encore plus problématique la perspective de l’UMA.
Mais que signifie le récent ralliement espagnol à la position marocaine? Et le virage à 180 degrés du gouvernement espagnol sur la question du Sahara occidental? Sachant qu’il s’agit de la principale pomme de discorde en Afrique du Nord entre le Maroc et l’Algérie. Et ce, après des décennies de stricte neutralité.
Madrid rompt sa neutralité
Ainsi, c’est un message laconique émanant du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez qui mettait le feu aux poudres. En effet, il vient de déclarer que « le plan marocain d’autonomie pour le territoire du Sahara occidental est la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ».
A cet égard, notons que le Sahara occidental, jadis sous protectorat espagnol et considéré par les Nations unies comme un « territoire non autonome », oppose depuis des décennies le Maroc au Front Polisario. Or, le royaume chérifien propose « un plan d’autonomie » sous sa souveraineté. Pour sa part, les Sahraouis du Front Polisario armés par l’Algérie réclament « un référendum d’autodétermination ».
En clair, en considérant que le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental est « réaliste et crédible », Madrid s’aligne in extenso sur la position marocaine. Et ce, au risque de s’attirer les foudres de l’ombrageuse Algérie.
Le courroux d’Alger
Effectivement, la réaction du voisin algérien ne s’est pas fait attendre. Pour exprimer sa colère contre le revirement espagnol, Alger rappelait « avec effet immédiat » son ambassadeur à Madrid. Bien que, officiellement, l’Algérie se défende d’être partie prenante dans le conflit sahraoui.
Pour sa part, la presse algérienne se déchaine contre la décision espagnole. Car elle se perçoit sur l’autre rive de la Méditerranée comme « traîtrise, trahison, grave dérapage, maladresse, revirement, volte-face, chantage, mauvaise foi ».
« Pedro Sanchez succombe aux pressions et au chantage du Maroc », titrait à la Une Algérie patriotique le week end dernier. « Une 2e trahison historique du peuple sahraoui par Madrid », selon TSA. « L’enjeu gazier: la mauvaise foi espagnole », s’indignait Algerie54. « Conflit du Sahara occidental: l’Espagne trahit les Sahraouis », titrait encore Al Watan du 20 mars.
Enjeu majeur
Alors, le revirement espagnol sur le dossier du Sahara est-il motivé par la proximité géographique avec son voisin du sud? Souvenons-nous que le Maroc est non seulement son premier partenaire commercial africain et son troisième partenaire économique en dehors de l’UE. Mais également Rabat est le partenaire privilégié de Madrid sur plusieurs dossiers. Comme par exemple: la lutte contre le terrorisme; la gestion des flux migratoires; et la lutte contre le crime organisé.
Des preuves sur l’enjeu économique pour la péninsule ibérique? Ce partenariat porte sur 16 milliards d’euros d’échanges commerciaux. De même qu’il concerne 17 000 entreprises espagnoles, dont 700 établies sur le territoire marocain. De plus, les exportations espagnoles vers le Maroc ont augmenté de 29% entre 2020 et 2021.
Probables représailles contre Madrid
Sauf que la crise entre Madrid et Alger tombe au mauvais moment. Alors que l’Europe cherche à se passer du gaz russe. Et que Madrid, déjà dépendant d’Alger pour une part de ses livraisons, comptait notamment sur l’Algérie pour fournir davantage de gaz au vieux-continent.
Et si en probables représailles, l’Algérie décidait de fermer le robinet du gazoduc de Medgaz. Lequel relie les installations gazières d’Hassi-R’mel en Algérie à l’Espagne. Et ce, au profit du gazoduc transméditerranéen qui relie leur pays à l’Italie en traversant le territoire tunisien sur 375 km?
Tunisie : une manne du ciel
Ce scénario représente un terrible coup pour la sécurité énergétique de la péninsule ibérique. En revanche, on aurait aimé meilleure aubaine pour la Tunisie autrement que cette rivalité entre deux pays frères et qui bloque toute avancée maghrébine. Cette manne représente actuellement une redevance de 5.25%. En rapportant environ 500 millions de dinars aux caisses de l’Etat.
Loin de nous l’idée que le malheur des uns fait le bonheur des autres. A ce jeu là, il n’y a qu’un seul grand perdant: l’unité maghrébine. Quel dommage!