Il nous aura surpris jusque dans sa mort. Ali Debaya nous quitte, à sa manière, comme il a toujours vécu. Dignement et sans rien perdre de son panache. Sa longue éclipse ces dernières années y a grandement contribué. Son silence résonnait de partout avec un fort retentissement dans les allées gouvernementales, les offices de l’État et ses principaux bras financiers.
Il brillait dès son jeune âge par ses idées novatrices, par son intelligence des faits et des hommes, par son audace et ses qualités humaines et professionnelles. Droit dans ses bottes quoi qu’il advienne, Ali Debaya n’avait jamais plié l’échine, ne s’est jamais laissé intimidé par les tenants d’une quelconque autorité fictive ou réelle. Il dut, plus d’une fois tout au long de son parcours, en payer le prix, sans jamais s’en plaindre. Et sans le moindre regret. Bien au contraire. Il se sentait conforté dans ses convictions, ses valeurs, en paix avec sa propre conscience.
Ali Debaya avait le verbe haut, la repartie instantanée, le débit rapide et les propos d’une grande fluidité. Il s’enflammait pour ses idées, il est vrai rarement prises en défaut, ou en manque de cohérence. Où qu’il ait été, il s’est toujours distingué.
Il fit ses premiers pas de tout jeune diplômé d’économie à la BCT. Avant de se voir confier la direction du cabinet de feu Slaheddine Ben Mbarek, ministre de l’Économie de l’époque. Un moment dans la galaxie gouvernementale. L’étape d’après ne fut pas non plus de tout repos. D’énormes défis et d’immenses challenges l’attendaient dès sa prise de fonction à la tête de l’Office des céréales ou peu de temps après aux commandes de la BNA, de la STB. Et sur le tard en barrant la marina de Yasmine Hammamet privée jusque là d’un capitaine au long cours.
Humain, profondément humain, il exerçait une force tranquille sans jamais manifester le moindre penchant pour l’autorité. Ses compétences professionnelles, sa rigueur, sa probité morale, son caractère trempé, son exemplarité lui conféraient un leadership à la fois soft, mais terriblement efficace.
Où qu’il fut, aux niveaux des responsabilités qui furent les siennes, il y a laissé son empreinte, son souffle, son éternel optimisme de raison, son instinct de battant, son goût du challenge et son désir jusqu’à l’obsession de voir grand. Il n’avait jamais battu en retraite avant que la mort ne l’emporte. Ses traversées de désert furent toute aussi nombreuses que courtes.
On le savait intraitable mais on finit toujours par lui reconnaître son immense talent et son sens de l’honneur. Ali Debaya n’avait jamais manqué à son devoir. Et il était irremplaçable. Cette tête bien faite et bien pleine, plus d’une fois couronnée, aurait pu prétendre aux plus hautes responsabilités ministérielles. N’eut été son franc parler et son caractère peu accommodant qui lui valaient le titre ou le statut d’enfant terrible de sa propre génération.
En se retirant de la scène, il signe à la manière d’un artiste, la fin d’une époque à laquelle il n’a pas peu contribué et dont on portera pendant longtemps le legs. Il nous quitte, sans vouloir s’attarder, comme à son habitude. Ali Debaya laisse derrière lui un immense vide. Nos pensées, en ces moments tristes et douloureux, vont à son épouse, à ses enfants, à ses parents et amis et ses anciens collègues. Paix à son âme.