Après avoir décrété la dissolution de la défunte ARP, le président de la République, Kaïs Saïed, a demandé au Ministère public de prendre « les mesures nécessaires et adéquates », contre « les auteurs du complot échoué ». S’oriente-t-on alors vers l’arrestation et la mise en résidence surveillée de certains députés du Parlement ayant commis un « coup d’Etat », selon l’expression présidentielle?
Nouveau rebondissement spectaculaire dans le thriller haletant de la lutte à mort entre le président de la République, Kaïs Saïed, et son ennemi juré Rached Ghannouchi, Président « gelé » du Parlement qui voulait être roi à la place du roi. Il a tenté sa chance en jouant à la roulette russe, mais il a perdu. Désormais, il est un roi nu.
Car, par un simple trait de plume présidentiel, il n’est plus président du Parlement « congelé ». En attendant de quitter définitivement le devant de la scène, au mois d’octobre prochain, au terme du 11ème Congrès du parti d’Ennahdha. Puisqu’il s’est engagé solennellement à ne plus être candidat à sa propre succession. Sans parler des ennuis judiciaires qui l’attendent, peut être dans les heures ou les jours qui viennent. En attendant que le rideau tombe sur le nouveau-ancien feuilleton de Ramadan!
Dissolution pure et simple du Parlement
En effet, l’idée flottait dans l’air. En effet, Abir Moussi et Noureddine Taboubi l’incitaient hier mercredi, chacun de son côté, à mettre fin « à ses atermoiements ». Et ce, en procédant « à la dissolution définitive du Parlement ». Puis en convoquant dans la foulée des élections législatives anticipées. Cependant, la décision du président de la République de dissoudre le Parlement tomba dans la soirée du mercredi 30 mars comme un couperet.
Ainsi, lors d’une réunion au palais de Carthage avec les membres du Conseil de sécurité nationale, Kaïs Saïed annonce avoir recouru à l’article 72 de la Constitution. Lequel stipule que: « Le Président de la République est le Chef de l’État et le symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution ». Et ce, « pour préserver l’unité de l’Etat et la sécurité des Tunisiens ».
A cet égard, il recevait le même jour la cheffe du gouvernement, Nejla Bouden, qui ne faisait qu’hocher docilement la tête, en buvant littéralement ses paroles. Le chef de l’Etat réagissait donc à la plénière à distance au parlement suspendu. Et ce, en estimant que la tenue d’une plénière à l’ARP suspendue constitue un coup d’Etat avorté. Il a par ailleurs appelé le peuple tunisien « à l’unité nationale » et à s’opposer « à ce complot visant à faire tomber l’Etat tunisien. Promettant de poursuivre les responsables devant la Justice. Puisqu’il s’agit « d’un complot contre la sûreté de l’Etat ».
Puis, il poursuivait : « J’ai pris contact avec la ministre de la Justice pour solliciter une action de la part du Ministère public pour ouvrir une enquête contre ce plan ». C’est ce qu’assurait le Président, dans une vidéo publiée par la présidence de la République.
Insurrection
Rappelons que, bravant les mesures exceptionnelles prises par le président de la République le 25 juillet, notamment l’article 80 de la Constitution, 116 députés ont adopté lors d’une plénière « virtuelle » tenue mercredi 30 mars, un projet de loi annulant les dispositions et les décrets présidentiels annoncés après le 25 juillet. Notamment la prorogation des mesures exceptionnelles, le décret 117 et celui instituant le Conseil supérieur provisoire de la magistrature. Une décision qui aura de lourdes conséquences.
Rumeurs
En effet, le jour même, la ministre de la Justice a autorisé le Ministère public à ouvrir une enquête contre « un nombre » de députés. Aux motifs d’organisation de bande visant « à comploter contre la sureté de l’Etat ».
Un crime capital, s’il était avéré, passible de la peine de mort.
D’ailleurs des rumeurs bruissent sur les réseaux sociaux. Elles évoquent des forces de police encerclant le domicile du député d’Al Karama, Abdellatif Alaoui. Ou encore l’arrestation du député nahdhaoui, Samir Dilou, au niveau de l’autoroute Bizerte-Tunis. Alors qu’il avait l’intention de regagner la capitale pour se refugier dans la Maison des Avocats.
Ces rats qui quittent le navire
Mais cette vague d’arrestations, en attendant qu’elles soient confirmées officiellement, va-t-elle se limiter à « un nombre » d’ex-députés ayant participé à la plénière virtuelle? Ou à celui qui a déclenché l’insurrection contre l’autorité du Président légitimement élu? Et ce, en réendossant son costume de président de l’ARP pour inviter le bureau exécutif de l’ARP à se réunir lundi 28 mars afin convoquer deux plénières, le 30 mars et le 2 avril. Afin de « débattre d’une alternative constitutionnelle mettant fin aux mesures d’exception prises par le chef de l’Etat le 25 juillet 2021 ».
Sachant que prudent comme un Sioux, Rached Ghannouchi, s’est bien gardé de présider en personne la première plénière du mercredi 30 mars. En laissant « la place du mort » à son pauvre deuxième vice-président, Tarek Ftiti. Une leçon de roublardise!