La décision de Poutine vise à renforcer la monnaie nationale et à faire pression sur l’Occident pour qu’il lève le blocage des transferts Swift.
La Russie commencera à vendre son gaz naturel en rouble uniquement. La décision, annoncée par le président Vladimir Poutine la semaine dernière, a fait se déchaîner l’Europe et les pays occidentaux. Elle devait devenir opérationnelle, même si désormais le Kremlin a annoncé qu’il s’agirait d’un « processus graduel », sans préciser un calendrier précis.
La décision de Moscou était une réponse aux sanctions imposées à la fédération à la suite de l’invasion de l’Ukraine, notamment le blocage des transactions internationales dans le système Swift pour les principales banques du pays. La « guerre du rouble » se poursuit donc avec l’amélioration de la monnaie russe en Bourse : il faut désormais 82 roubles pour un dollar.
Gazprom fait planer le spectre d’une interruption des flux de gaz
Le groupe russe Gazprom a annoncé hier se retirer de ses filiales en Allemagne et en Grande-Bretagne qui assurent notamment la distribution de gaz, une mesure aux conséquences incertaines alors que plane la menace de perturbations des livraisons d’énergie vers l’Europe.
« Le groupe Gazprom a mis fin le 31 mars à sa participation dans Gazprom Germania et l’ensemble des actifs de celle-ci, dont Gazprom Marketing & Trading », basé à Londres, a expliqué l’entreprise dans un communiqué.
Gazprom interromprait le flux de gaz vers l’Allemagne via le gazoduc Yamal-Europe, tandis que le géant pétrolier affirme hier avoir augmenté les flux de gaz vers l’Italie, la Pologne et la Turquie, par rapport à la même période l’an dernier.
Gazprom n’a pas détaillé si l’entité allemande – dont le groupe était l’unique propriétaire et qui possède des filiales également en Suisse et en République tchèque – a été vendue. Aucun nouveau propriétaire n’a été annoncé. Le service de presse de Gazprom Germania, sollicité par l’AFP, n’était pas joignable vendredi, selon Le Figaro.
La Russie augmente la dose
Tout cela, alors que Moscou propose du pétrole brut indien à 35 dollars le baril, pour un approvisionnement total d’au moins 15 millions de barils russes, déjà cette année. Un approvisionnement qui, soulignent les analystes, devrait se faire par le versement de roupies-roubles, pour contourner l’interdiction du Swift qui est passée sous le feu des sanctions occidentales.
Désormais, les pays considérés comme « hostiles » par le Kremlin devront également payer la location des avions russes avec la monnaie de Moscou. En laissant cependant une porte ouverte : la décision de fournir du gaz uniquement s’il est payé en rouble pourrait être annulée à l’avenir, même si maintenant cela semble être « l’option la plus fiable pour la Russie ». Pas seulement.
Le porte-parole du Kremlin, Peskov, a précisé que « l’approvisionnement en gaz russe ne sera pas interrompu si les clients confirment le paiement en rouble d’ici le 1er avril, date d’entrée en vigueur du décret signé hier par Poutine ». Car « le paiement des fournitures courantes ne se fait pas aujourd’hui, il se fait en fin de seconde quinzaine de mois, en avril, voire début mai ».
« Désormais, les pays considérés comme « hostiles » par le Kremlin devront également payer la location des avions russes avec la monnaie de Moscou »
Fin janvier, environ 58 % des ventes de gaz naturel du géant gazier russe Gazprom à l’Europe et à d’autres pays étaient réglées en euros. Au troisième trimestre de l’année dernière, 39 % l’étaient en dollars américains.
Bientôt, tous ces achats devront plutôt se faire en rouble. Ce qui signifie que les importateurs devront trouver une banque qui échange des euros et des dollars contre des roubles, mais cela pourrait être compliqué, car les institutions les plus importantes du pays ont été coupées du système Swift qui facilite les paiements internationaux.
Mais il y a encore des banques qui n’ont pas été exclues et pour l’instant les sanctions imposées par les États-Unis contiennent des exceptions pour les paiements énergétiques. Quoi qu’il en soit, la pression pour que l’UE élimine ce blocage va certainement augmenter, mais certains doutent de sa capacité de détourner efficacement la crise.