Les disparités au niveau salarial entre le secteur public et celui privé est l’un des malheurs de la Tunisie.
Généralement, les fonctionnaires sont considérés comme gâtés par rapport à leurs pairs qui travaillent dans les entreprises privées. Leurs « privilèges » sont nombreux : ils bénéficient d’un salaire fixe et d’un accès facile aux crédits bancaires, ils sont soumis à un moindre contrôle et peuvent réclamer, en cas de besoin, la protection du syndicat. Et même pour ceux qui veulent user de leur position, ils peuvent le faire facilement puisque tout passe par l’administration.
Divergence de logiques
Mais dans certaines activités où l’acteur public et d’autres privés opèrent, la situation est inverse. C’est particulièrement le cas dans l’industrie financière. Le bras de fer actuel entre le Gouvernement et les fonctionnaires de La Poste illustre cette situation.
Ces derniers réclament la réduction de l’horaire de travail durant le mois de Ramadan d’une, voire deux heures. Actuellement, les guichets sont ouverts de 8H à 14H, alors que les banques ferment leurs portes au plus tard à 13H.
Cette heure supplémentaire sera d’ailleurs consacrée à des protestations ! Ces demandes riment avec celles déjà en cours et qui consistent l’alignement de la grille salariale avec celle des banquiers.
Là, il y a des questions qu’il convient d’en discuter publiquement, en toute franchise, et qui serviront de leçons pour toutes les entreprises publiques. Est-ce qu’il y a vraiment une culture d’appartenance à ces entités ? Et dans quelle mesure le système actuel permet de créer suffisamment de motivation chez le fonctionnaire ?
Nous posons ces questions car La Poste, qui perd de l’argent à cause de l’incapacité de l’Etat de payer la subvention d’exploitation qui compense un service à bas coût, ne peut pas supporter une telle revalorisation salariale.
Logiquement, ouvrir ses guichets une heure de plus est un élément qui augmentera la compétitivité de l’établissement car les citoyens se plaignent des horaires de travail des banques. La Poste pourra donc gagner une nouvelle clientèle intéressée par une disponibilité des services postaux durant ramadan et l’été. Il s’agit du quart de l’année, ce qui n’est pas rien.
Le problème réside dans le degré d’engagement des fonctionnaires qui ne s’inscrivent pas dans une telle logique. Ils sont convaincus qu’ils sont sous-valorisés. Avec un tel sentiment, ils ne peuvent pas donner le rendement espéré.
Faire un choix
Il est temps de comprendre que dans l’industrie financière d’aujourd’hui, il y a deux choix. Le premier est une digitalisation massive des parcours clients, ce qui signifie des licenciements. Cela ne semble pas être le choix de l’Etat qui redoutent la réaction des syndicats. Le second est d’avancer progressivement dans la numérisation des processus mais en agissant sur le système de rémunération qui reste la principale motivation d’un fonctionnaire.
Il convient de lier le salaire à la réussite de l’établissement. Normalement, il faut également que la performance individuelle soit prise en considération. Toutefois, dans le cas tunisien, il vaut mieux écarter une telle démarche. Car elle risque de générer des problèmes plus graves.
La performance collective passe par un meilleur service et une plus grande base de clientèle. Si cette heure supplémentaire était rémunérée d’une façon ou d’une autre, les agents de La Poste n’auraient jamais contesté.
Le bon sens pousse donc à l’intégration d’un bonus annuel qui récompense ces efforts. Mais comment le faire alors que l’établissement a plus de 120 MTND de résultats reportés négatifs ?
La solution est simple : introduire La Poste en Bourse. Elle gardera son statut public tout en épongeant ses pertes. Les fonctionnaires pourraient souscrire à prix préférentiel et avoir ainsi un patrimoine actions qui sera plus important lorsque le cours monte. Cela ne peut être le cas que si les performances de l’établissement financier soient bonnes.
Le bonus sera ainsi essentiellement servi en actions qui peuvent être vendus sur le marché si l’intéressé veut de la liquidité. Les fonctionnaires changeront de logique et seront les premiers à proposer des idées pour doper les performances de « leur entreprise » au vrai sens du terme.
La créativité de la finance n’a pas de limite. Elle peut offrir des solutions convaincantes. Il faut juste oser.