Dans une déclaration à leconomistemaghrébin.com l’enseignant-chercheur en droit public et sciences politiques, Khaled Dabbabi livre son analyse sur le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours proposé par le président de la République Kaïs Saïed, le 6 avril.
Pour le juriste, un certain nombre de détails doivent être clarifiés car « la matière électorale est une matière assez technique et il conviendrait de simplifier cette technicité. ». Khaled Dabbabi explique que le mode de scrutin uninominal (sur des personnes) est le mode qui s’oppose au mode plurinominal (sur des listes).
Voter pour une seule personne
« En Tunisie depuis le décret-loi de 2011 relatif aux élections confirmé par la loi organique de 2014, on a retenu un mode de scrutin plurinominal. Selon lequel, les électeurs devront choisir une liste parmi des listes qui existent dans une circonscription électorale bien déterminée. La liste peut être partisane constituée par un parti politique ou une liste indépendante. Mais avec le mode uninominal, l’électeur ne va plus choisir le jour du scrutin entre des listes. Mais entre des candidats qui pourraient éventuellement devenir des députés. Autrement dit, l’électeur dans une circonscription bien déterminée va choisir un candidat parmi plusieurs élus pour lui attribuer le siège. Les candidats peuvent être partisans ou indépendants », explique-t-il.
Expliquant le terme majoritaire à deux tours, l’intervenant explique que « tout d’abord, dans les élections, le mode de scrutin majoritaire s’oppose au mode de scrutin à la proportionnalité. Le mode de scrutin à la proportionnalité connait deux variantes : le mode de scrutin à la proportionnalité avec les plus forts restes et le mode de scrutin à la proportionnalité avec les plus fortes moyennes. En Tunisie depuis 2011, on a retenu le mode de scrutin à la proportionnalité avec les plus forts restes. Ce mode vise à attribuer le siège parlementaire dans une circonscription électorale dans une manière proportionnelle en nombre de voix.
Plus simple et moins compliqué
Ce mode de scrutin repose sur une opération arithmétique assez solennelle qui passerait par deux étapes. Dans une première étape on utilise le quotient électoral pour attribuer le siège parlementaire. Par la suite, les sièges restant vont être répartis est distribués en fonction des plus forts reste. Mais avec le mode de scrutin majoritaire la situation est plus simple et moins compliquée. Et ne nécessite pas toute cette opération arithmétique. Car celui qui aura le siège est celui qui aura la majorité absolue soit 51% des voix. Ainsi celui qui obtiendra 51% des voix aura le siège de la circonscription »
Ainsi le mode de scrutin majoritaire uninominal à deux tours veut dire que le candidat qui va obtenir la majorité absolue deviendra député. Et remportera le siège prévu pour la circonscription électorale. Si le Si on parle de deux tours c’est parce que « cette majorité absolue requise 51% au moins des voix, soit elle est obtenue au premier tour, soit elle est obtenu au deuxième tour car au premier tour, il est possible de remporter les élections et avoir le plus grand nombre de voix mais il s’agit d’une majorité relative autrement dit inférieur à 51% des voix requise, c’est la raison pour laquelle un deuxième tour se tient dans ce cas de figure appelé tour de ballotage. Passent au deuxième tour les candidats ayant eu le premier et le deuxième rang. Ils vont disputer le deuxième tour et à ce moment là un seul candidat aura la majorité absolue. C’est presque la même logique adoptée lors des élections présidentielle de 2014 et 2019 ».
Un scrutin à deux facettes
Le spécialiste indique que le mode de scrutin uninominal va réduire le phénomène de l’effritement des voix. Il favorise l’apparition de majorité claire et assez stable. « Mais cette réalité est tributaire du système partisan. C’est-à-dire la structure partisane qui forme le structure politique. Tout d’abord la structure interne au sein de chaque parti. Et il y a également le volet de la structure externe. C’est-à-dire les rapports et les relations entre les différents partis », nuance-t-il.
Il estime qu’en Tunisie, le système partisan est assez faible et « on espère que le mode de scrutin aiderait en quelques sorte fortifier et à rationaliser le système partisan. Les partis politiques sont appelés à avoir plus de sérieux et à s’impliquer davantage dans le travail politique et non pas adopter cette politique non courageuse et, je dirais même lâche et peu régulière à savoir agir occasionnellement et juste avant les élections ».
Par ailleurs, notre invité estime que le mode de scrutin uninominal va défavoriser certaines femmes.
« Vu la mentalité patriarcale et conservatrice, le plus probable serait l’exclusion des femmes au niveau du vote et au niveau du choix. Le vote se ferait rarement au profit des femmes contrairement au vote plurinominal qui garantissait la parité verticale », conclut-il.