La polémique sur la faillite du Liban s’est calmée au lendemain de l’annonce du 7 avril d’un accord de principe avec le FMI. A la clé, une promesse d’un soutien de 3 milliards de dollars sur quatre ans. Un accord qui a suscité beaucoup de scepticisme sur la capacité des autorités à implémenter les réformes listées comme préalables à la signature de l’accord final.
En effet, l’histoire du Liban est associée au blocage des réformes. Une situation atypique : une mainmise confessionnelle sur la vie politique, une corruption généralisée, une distribution de richesse très inégalitaire, une dette insoutenable, une dollarisation de l’économie, un système bancaire non résilient…
Certes, la situation de l’économie tunisienne n’est pas brillante non plus. Mais elle demeure plus résiliente que celle du Liban. Et plus apte à rebondir une fois la voie des réformes empruntée par ses décideurs.
D’ailleurs, la crise libanaise est riche d’enseignements pour l’économie tunisienne.
– Un Etat gangréné par le clientélisme, l’économie de rente, la corruption…à la sauce confessionnelle ou populiste ne pourrait pas réussir l’implémentation des réformes. Le déficit de crédibilité de ses institutions le prive de l’adhésion populaire aux réformes. Et le déficit d’audace le laisse scotché à la boîte à outils des réformes cosmétiques.
– Une économie qui marginalise l’agriculture finira par creuser sa dépendance alimentaire. Une dépendance menaçante pour la paix sociale ;
– Une économie qui marginalise l’industrie (Liban) ou se désindustrialise (Tunisie) ne pourra que renforcer sa dépendance technologique. Et affaiblir sa résilience face aux chocs exogènes ;
– Un assouplissement de la réglementation du change en présence d’un secteur bancaire miné par le clientélisme se transformera rapidement en un canal de fuite de capitaux et de dollarisation de l’économie, source de menaces pour la stabilité financière ;
– Le refus d’assainir les finances publiques prive l’économie d’un fiscal space confortable. Et ce pour engager les réformes structurelles, précipitant ainsi l’insoutenabilité de la dette ;
– Le déficit de vision creuse les déficits (budgétaire et courant) et alimente le recours excessif aux solutions de facilité (endettement, planche à billets, taxes impopulaires, coupes dans le budget des dépenses d’investissement …) pour contourner l’impasse financière.
En somme, l’histoire nous enseigne que « les défauts de réformes » sont des placements à terme dont les dividendes distribués sont des « défauts de paiement ».
Article publié dans le n°842 de L’Economiste Maghrébin du 13 au 27 Avril 2022.