L’impact sans précédent de l’inflation, en Tunisie, sur le pouvoir d’achat et de la demande des ménages est sous-estimé par les économistes et par les pouvoirs publics.
Aujourd’hui, une progression supplémentaire des prix et des taux serait, à l’évidence, génératrice d’hyper inflation, difficilement contrôlable par les protocoles ordinaires.
Depuis une bonne décennie, déjà, le climat des affaires et les rapports sociopolitiques ne sont certes pas favorables à la désinflation.
Actuellement, producteurs, importateurs et commerçants peuvent – et ils le font – former leurs prix et leurs marges, dans une conjoncture économique, certes anémique, mais socialement et politiquement qui leur est favorable, et cela en toute impunité.
Certains foyers primaires d’inflation (coûts salariaux, charges financières, fiscales) localisés dans un premier temps, mais susceptibles d’échapper à tout contrôle, ont tendance à s’allumer quasi spontanément, dès lors que l’économie souffre de déséquilibres structurels. La Tunisie, depuis toujours, a souffert de déséquilibres structurels exacerbés par une déviance sociale accrue, sous-tendue par la corruption et la spéculation endémiques.
Le synopsis traditionnel d’une inflation ne touchant traditionnellement pas une économie chétive, voire en récession, ne peut pas s’appréhender dans le contexte général d’une économie en surchauffe, submergée par un excès de liquidités qui suralimenteront une demande intérieure volatile, génératrice de malaise inflationniste et qui contaminerait alors l’ensemble des secteurs économiques.
La seule anticipation d’une augmentation des coûts, des charges et des prix dans un secteur, suffit à contaminer l’ensemble des secteurs. Le rétablissement spectaculaire des prix et des marges, ces dernières semaines, n’est donc pas nécessairement un signal fort de la reprise du contrôle de la politique des prix et des marges, et ce d’autant que la demande intérieure a décliné sur cette même période.
Anticipations ramadanesques
Les anticipations ramadanesques, au niveau global, seraient la raison principale de la récente flambée des prix, et ce dans un contexte de marchés biaisés par une spéculation qui réagit, à son profit, à toute opportunité inflationniste. Bon nombre d’études confirment le biais des « anticipations rationnelles». Et ce biais est d’autant plus pertinent que le contexte socio-politique global s’y prête. Aussi, à défaut de contenir les ressorts de l’inflation, on s’enferme dans la litanie Friedmanienne : « L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire » … pour nous enfermer dans une vision restrictive et biaisée de l’inflation.
Corrélativement, les néolibéraux soutiennent que « l’inflation est toujours et partout la punition infligée par l’économie et par les marchés aux gouvernements qui empruntent et qui dépensent trop ». Sauf que les Keynésiens et consorts y apportent leur sacré bémol : dans un contexte de « refroidissement » de l’activité, de sous-capacité de production, la litanie néolibérale ne joue plus. Sous le couvert d’une argumentation économique, l’obsession de « l’austérité » mène au « meilleur emploi et à la stabilité des prix », masque les vrais motifs politiques et idéologiques, et un redressement néolibéral.
(Article publié dans le n°842 de L’Economiste Maghrébin du 13 au 27 Avril 2022)