Le traditionnel débat d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle française qui a eu lieu, mercredi soir, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen était-il un remake du match aller en 2017?
Oui, sommes-nous tentés de répondre. Car la candidate du Rassemblement national, visiblement mieux préparée qu’il y a cinq ans, n’a pas pu se débarrasser de l’image pitoyable d’une candidate approximative, voire incompétente. Mme Le Pen se mêlant ainsi les pinceaux dans les dossiers techniques; notamment ceux de l’économie et des finances. Alors que le président sortant n’a pas pu non plus se débarrasser de l’image d’un énarque surdiplômé, arrogant, distant, et incorrigible donneur de leçons.
L’élève et le maître
En bref, il était visible que la marche semble trop haute pour Marine Le Pen. Et ce, pour les millions de spectateurs qui ont veillé tard pour suivre ce rendez-vous incontournable entre les deux-tours. Elle est en effet perçue comme une élève bien studieuse. Mais pas encore au niveau suffisant pour prendre le pas sur son adversaire.
La preuve? Selon un sondage réalisé pour BFMTV, 59% des Français ont jugé Emmanuel Macron plus convaincant; contre seulement 39% pour Marine Le Pen. Sachant que ce débat ne devrait pas bouleverser radicalement le rapport de force entre les deux candidats. Tellement le clivage entre les deux camps est profond. Toutefois, rappelons-le, Emmanuel Macron est sondé en moyenne par les différents instituts à 56% des intentions de vote, soit douze points de mieux que Marine Le Pen.
Incompétence de Le Pen
Et à titre d’exemple, la candidate de l’extrême droite comptait sur le pouvoir d’achat- cheval de bataille de sa campagne « sociale » et préoccupation n°1 des Français- un sujet brûlant qu’elle voulait « vendre ». Et ce, afin de se présenter aux yeux des Français comme défenseur de la classe populaire. Contre son adversaire auquel elle fait le procès d’être « l’ami des riches ».
Un flop. Car, sur la TVA, les salaires, l’emploi ou la dette, les échanges ont rapidement tourné à l’avantage du président sortant. En la mettant en difficulté sur les chiffres. Et en imprimant dans la tête des téléspectateurs l’image d’incompétence qui lui colle à la peau.
Ainsi, par exemple, lorsqu’elle voulait confondre son interlocuteur sur les 600 milliards de dette. En soulignant que la crise Covid ne pesait que 145 milliards. Et que les 455 milliards restants sont dus à la « mauvaise gestion » du gouvernement Castex. Macron répliqua, doctement que le chiffre global de la dette incluait la Sécurité sociale et les collectivités locales. Et d’ajouter: « Mme Le Pen, arrêtez de tout confondre, ce n’est pas possible. »
Même réponse cinglante concernant la discussion la question du voile et de la laïcité. Là encore, le chef de l’État en exercice a accusé sa rivale de mener le pays « à la guerre civile ».
« La France, patrie des Lumières, deviendrait avec vous le premier pays au monde à interdire les signes religieux dans l’espace public. Cela n’a aucun sens. Ce n’est pas la France de l’universalisme ce que vous proposez. C’est une trahison de l’esprit français et de la République ». Ainsi, s’emporta-t-il, lyrique.
Coup de grâce de Macron
Mais le clou de la soirée était sans aucun doute la passe d’armes sur les positions internationales de la députée du Pas-de-Calais.
En effet, Macron accusa ouvertement sa rivale de « dépendre du pouvoir russe, donc d’une puissance étrangère ». De même que d’être une amie affichée de Vladimir Poutine. Et enfin d’avoir eu des positions favorables à l’annexion de la Crimée par Moscou, en 2014.
« Vous avez été, je pense, l’une des premières responsables politiques européennes, dès 2014, à reconnaître l’annexion de la Crimée. Je le dis avec gravité ce soir: parce que vous dépendez du pouvoir russe et que vous dépendez de M. Poutine ». Ainsi lança-t-il encore.
Rappelant à l’occasion, pour mieux retourner le couteau dans la plaie, qu’elle avait contracté un prêt auprès de banques russes proches du pouvoir en 2015. Un prêt qui n’a pas été encore remboursé. Ce qui la met moralement sous la coupe du maître de Kremlin, conclut Emmanuel Macron.
Un coup porté sous la ceinture, mais qui écorne l’image de « Mme Propre » qu’affiche Marine Le Pen.
Marine flotte dans son costume présidentiel
En près de trois heures d’échanges truffées de mots parfois rudes et acerbes, de prises de bec et de tacles souvent meurtriers, mais dans l’ensemble d’apparence courtoises, le président candidat à sa propre réélection voulait afficher solennellement l’image d’un président en exercice. Alors que la candidate du Rassemblement national tentait d’adoucir son image d’hier. Tout en montrant qu’elle est enfin prête à franchir les marches de l’Elysée.
En conclusion, il n’y a pas photo comme disent les publicitaires. La différence de niveau entre les deux candidats est palpable. A savoir qu’incontestablement le président-sortant a démontré qu’il maîtrise sur le bout des doigts ses dossiers. Alors que son adversaire est apparue à l’écran plus emphatique, plus proche des petits gens. A l’heure du populisme rampant, est-ce suffisant pour renverser la vapeur en sa faveur? On aura la réponse dimanche prochain.