Dans cette interview accordée à l’Economiste Maghrébin, Abdelkader Boudriga, président du Cercle des financiers tunisiens, revient sur les scénarios possibles pour conclure ou non un accord avec le FMI, accord qu’il juge personnellement « primordial » pour le pays. Extraits.
Combien nous faut-il de milliards de DT pour boucler le budget en dehors des ressources propres (impôts, redevances…) ?
Il faut rappeler que la loi de finances adoptée au mois de décembre dernier a prévu des besoins de financement de l’Etat, aux alentours de 20 milliards de dinars. 7 milliards environ devraient provenir du marché local et 13 milliards du marché international, dont une partie est supposée être financée et développée suite au futur accord avec le FMI.
En principe, la Tunisie devrait demander 4 milliards de dollars et il restera 9 milliards de dinars à mobiliser. Même si on obtient du FMI, d’ici le début du 2ème semestre, ces 4 milliards de dollars, il faudra trouver, pour l’année 2022, 3 autres milliards de dinars. Ceci pour le projet initial de la loi de finances 2022, si on tient compte de l’impact de la crise et du fait qu’il n’y a pas eu de quantification. J’ai d’ailleurs fait mon propre calcul, ce sera entre 2 et 3 milliards de dinars. Selon les dernières prévisions, à l’échelle internationale, le prix du baril sera de106 dollars.
Dans le meilleur des cas, il faudra donc 3 milliards de dinars supplémentaires qui viendront s’ajouter aux 20 milliards prévus par la loi de finances 2022. Au total, les besoins s’élèveront à 23 milliards de dinars.
Maintenant, quelles sont les possibilités, si on revient à la loi de finances originale ? 7 milliards seront fournis par le marché local, et selon mes calculs, si on tient compte qu’on peut mobiliser 4 à 5 milliards de dollars décaissables en 9 tranches sur deux années suite à l’accord du FMI, ce qui nous donne 12 milliards de dinars, il restera à trouver 10 à 11 milliards de dinars.
Quelle serait, selon vous, la solution pour trouver ces 10 à 11 milliards de dinars ?
De mon point de vue, on doit aller les chercher, soit par le canal du bilatéral, soit par le biais de garanties que pourraient fournir les pays amis et alliés du bloc démocratique, comme les Etats- Unis, la France, l’Allemagne, le Japon…
L’avantage de l’accord avec le FMI, comme signalé dans le rapport de l’Agence Fitch, va permettre à la Tunisie d’aller vers le marché international.
Pour moi, aller dans les conditions actuelles vers le marché international, c’est suicidaire pour l’économie du pays. Aujourd’hui, la Tunisie ne peut contracter, sur ce marché, des crédits qu’à des taux exorbitants, 12 à 15%, cela dépend de la maturité.
Avec un accord avec le FMI, il y aura une légère amélioration, mais elle ne sera pas significative. La France, qui a doublé sa dette, emprunte à 0,75%. Vous pouvez me dire : ce n’est pas équitable, ce n’est pas éthique, dites ce que vous voulez, mais c’est comme ça.
Personnellement, je pense que la conclusion d’un accord avec le FMI est primordiale. c’est un passage obligé. La question qui se pose dès lors est de savoir dans quelles conditions et de quelle manière cet accord va être conclu.
Sera-t-il conclu à la manière des accords de 2013 et de 2016 ou sera-t-il axé essentiellement sur les réformes de la Caisse de compensation, de la masse salariale, des Caisses de retraite, du système fiscal et sur le climat des affaires, ou au contraire, va-t-on négocier un programme avec une vision pour la Tunisie à l’horizon de 2026 ou 2030, ce qui pourrait favoriser sur le moyen terme une croissance de 5 à 6% ?…
Propos recueillis par Hédi Mechri et Khemaies Krimi