Nejib Chebbi, le plus vieux des politiciens de la Tunisie indépendante, puisqu’il avait débuté sa vie politique au début des années soixante, est encore de retour pour la énième fois. Malgré ses multiples promesses jamais tenues, de se retirer définitivement de la vie politique.
La politique pour lui est plus qu’une vocation, c’est une seconde nature! Durant sa longue trajectoire, souvent en dents de scie, celui qu’un magazine dans les années quatre vingt dix, avait nommé Najibouallah, n’a pu être ministre que pendant quelques éphémères semaines. Coopté à l’époque par l’ancien premier ministre de Ben Ali, Mohammed Ghannouchi, dans l’espoir de sauver l’ancien régime, de la chute brutale. C’est un looser au vrai sens du terme, doublé actuellement d’un hasbeen de la politique, et qu’on peut qualifier de dinosaure sans risque d’exagérer.
Mais cet avocat originaire de l’extrême sud tunisien, enfant d’une famille qui représentait l’aristocratie régionale, ne l’entend pas de cette oreille. Il continuera jusqu’à son dernier souffle de se positionner et se repositionner politiquement parlant, pour assouvir sa faim de pouvoir et devenir Président de la République. Sauf que encore une fois, il offre son âme au diable en personne, c’est à dire son éternel ami et concurrent Rached Ghannouchi.
Un damné de la politique
Tout se passe comme si Nejib Chebbi a été damné dés son engagement en politique pour échouer tout le temps. Non pas seulement à arriver au pouvoir; mais surtout à réussir son projet politique et idéologique…
Le mérite de ce vieux combattant est certes la persévérance. Mais son itinéraire idéologique n’est pas celui d’un grand démocrate comme il tente de nous le faire croire.
Après le baathisme, N.C s’engagea dans le mouvement perspective sous sa version maoïste al-Amel Tounsi, une formation marxiste-léniniste, adoptant la théorie maoïste de la révolution populaire et de la lutte armée contre le régime destourien de Bourguiba. Considérant ce dernier comme suppôt de l’impérialisme et comme agent de la France… Avant de faire une volte face spectaculaire et un revirement de 180 degré. En nouant des relations avec le premier ministre Mohammed Mzali. Et aussi avec l’islamiste Rached Ghannouchi, après ses années d’exil en France. Ce dernier étant condamné à plus de 20 ans de prison puis amnistié, comme tous ses camarades par Mohammed Mzali. Tout cela en quelques mois, après la création de son parti d’obédience socialisante. C’est pour dire que c’est un opportuniste intégral.
Le reste de son itinéraire est fort connu, balançant entre une alliance avec Ben Ali, de qui il était tout proche et celle avec Rached Ghannouchi. Dans tout cela les luttes démocratiques ne sont pour ce carriériste de la politique, qu’un prétexte pour gêner le pouvoir en place. Et ce, que ce soit sous l’ancien régime ou sous la troïka.
En embuscade pour remplacer Kaïs Saïed
Nejib Chebbi a eu cette intelligence propre à ceux qui ont une longue expérience politique. En effet, il a compris dés le début que les Américains n’ont pas d’atomes crochus avec KS à la tête de l’État tunisien. Sachant, que depuis toujours, notre pays appartenait à la sphère occidentale et récemment américaine depuis 2011 au moins. Un signe qui ne trompe pas d’ailleurs, KS n’a jamais reçu à son élection, les félicitations d’usage de la part des USA. Et sa première déclaration, avant qu’il ne rétropédale, sur l’État d’Israël et la question palestinienne, n’a fait que l’enfoncer.
Depuis N.C s’est positionné contre KS aux temps où Rached Ghannouchi ne jurait que par la tête de ce dernier. C’est rendre justice à N. Chebbi que de dire qu’il n’a pas attendu les islamistes pour partir en guerre contre le Président de la République.
Maintenant, et après le coup de force du 25 juillet, qui est pourtant salutaire pour le pays, et les pressions américaines et occidentales qui s’accentuent de jour en jour après la dissolution du parlement, M. Chebbi croit que la voie est libre pour Carthage et que son heure est arrivée et il n’ y a pas mieux que les islamistes pour l’y porter.
Une sorte de Shapour Bakhtiar ou de Beni Sadr, qui furent portés au pouvoir eux aussi par les mollahs iraniens avant d’êtres crucifiés par ces derniers. Mais l’important pour N.C n’est-t-il pas d’y arriver? Pour le reste, on verra après. Sauf qu’il feint d’ignorer le veto américain qui pèse toujours sur sa tête, car les Yankees n’oublient jamais rien, surtout son passé de nationaliste arabe. N. Ch. se trompe encore, en faisant de mauvais calculs. Mais n’est t-il pas connu pour aller toujours à contre courant et faire de mauvais paries?
Ce qui est hallucinant dans cette nouvelle partie d’échecs que joue N. Chebbi, c’est qu’il a lancé ce qu’il appelle un « front du salut ». Le mot « salut » interpelle déjà car il est d’origine biblique et même pas coranique.
Le salut de l’âme nous vient du Christ dira un catholique. Mais de quel Christ viendra le salut de N.C? Non seulement il soutient la tentative du coup d’État de R. Ghannouchi contre la constitution et contre la légalité même, pour destituer, du moins à travers une motion, le Président de la République élu démocratiquement au suffrage universel; mais il semble appeler de ses vœux un gouvernement de « salut public », en créant une nouvelle fausse légitimité, lui qui a toujours crié qu’il ne reconnaît que la légitimité des urnes. Voila qu’il renoue avec son ancienne vocation baathiste de putschiste, et qu’il appelle sans le dire clairement une ingérence étrangère « salutaire ». Tout un programme! Tout cela pour devenir Président, une obsession de tous les temps chez Nejib Chabbi.
Sauf, qu’encore une fois, il se trompe de phase historique. Les occidentaux plus que jamais, connaissent les risques d’une déstabilisation brutale de la Tunisie et pour toute la région qui est assise sur une poudrière. Le « danger » russe ou chinois est proche de nos frontières. Et en cas de déstabilisation de la Tunisie par une folle tentative, le peuple tunisien n’acceptera jamais un gouvernement fantoche appuyé par des puissances étrangères même amies. Le meilleur service que peuvent rendre l’Occident à leurs adversaires, comme en Ukraine.
Nejib Chebbi doit donc relire ses classiques en matière de géostratégie. Et calmer un peu ses ardeurs donquichottesques, car cette fois-ci, il risque gros, très gros et il n’en a plus l’âge.
(Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et en aucun cas L’Economiste Maghrébin)