Une image choc: le ministre de la Défense, Imed Memich, s’affiche dans une photo publiée par le département US de la défense en face de son homologue israélien. Et ce, à la réunion des ministres de la défense des 43 pays membres de l’Otan à Ramstein, en Allemagne. Alors, il y a lieu de s’interroger en toute innocence: la normalisation avec l’entité sioniste est-elle encore à vos yeux « une haute trahison », M. le Président?
Qu’à cela ne tienne! Dans une retentissante interview accordée en mai 2021 à la chaîne « France 24 », le président de la République Kaïs Saied n’avait pas hésité à marteler haut et fort que « la normalisation avec Israël est une trahison ». De même que nier le droit de la Palestine est une « haute trahison ».
Toutefois, avait-il tenu à rappeler, « nous n’avons aucun problème avec les Juifs en Tunisie… Lesquels étaient protégés en tant que citoyens et avaient les mêmes droits que tous les citoyens tunisiens. Mais je parle du sionisme qui veut exterminer le peuple palestinien ».
Kaïs Saïed: normalisation = trahison
« Ce n’est pas une situation normale pour un être humain de vivre sous l’Occupation. Et il n’est pas normal que vous ayez des relations avec l’occupant », a-t-il ajouté. « Je ne pense pas que c’est une chose normale, quand on nie à un peuple son plein droit à sa terre et à ses lieux saints. Et qu’on refuse de reconnaitre à la nation tout entière son droit à la Palestine, à la ville sainte de Jérusalem, et à la mosquée Al-Aqsa ». Ainsi, avait conclu le chef de l’Etat.
Une attitude courageuse et en diapason avec les vœux de la majorité des Tunisiens. Ceux-ci étant traditionnellement très sensibles au drame du peuple palestinien. D’autant plus que six pays arabes entretiennent des relations officielles avec Israël. A savoir: l’Egypte, la Jordanie, les Emirats, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
Contre vents et marées
Puis, un an plus tard après ces déclarations au média français, le président de la République est revenu à la charge. Et ce, à l’occasion de la rupture du jeûne, vendredi 22 avril. En présence des membres du gouvernement et des ambassadeurs des pays arabes et musulmans.
A cette occasion, il n’a pas hésité encore une fois à afficher « son soutien inconditionnel à la cause palestinienne ». « Nous soutiendrons nos frères en Palestine, jusqu’à ce que Al Qods revienne à la Palestine et à toute la Umma », s’est-il écrié lyrique. En promettant solennellement « d’accompagner le peuple palestinien dans toutes les démarches qu’il compte entreprendre ».
Il n’est donc pas difficile d’imaginer la tronche des ambassadeurs des capitales arabes ayant normalisé leurs relations avec Tel-Aviv, tous dans leurs petits souliers!
La photo choc
Sauf que, six jours à peine après le discours présidentiel, où Kaïs Saïed, réitérait solennellement son attachement « indéfectible » à la cause palestinienne, voila que notre ministère de la Défense, Imed Memich s’affiche dans une photo publiée par le département US de la défense en face d’un représentant d’Israël. En l’occurrence Dror Shalom, chef du bureau politique-militaire du ministère israélien de la Défense. Scandale!
En effet, à l’invitation des Etats-Unis, le ministre tunisien a participé, mardi 26 avril, au nom de son pays- allié majeur non-membre de l’OTAN– à la réunion des ministres de la défense de 43 pays membres ou non de l’Otan, à Ramstein en Allemagne. Et ce, dans le cadre de la collaboration des pays membres et alliés de l’Alliance atlantique pour le soutien de l’Ukraine dans le conflit l’opposant à la Russie.
Contre la force, il n’y a point de résistance…
Mais, pourquoi diable la Tunisie de Kaïs Saïed a-t-elle décidé de s’embarquer dans cette galère; au risque de se fâcher avec la Russie de Vladimir Poutine? Un pays qu’il s’apprête à visiter, « dans les plus brefs délais », selon l’ambassadeur de Tunisie à Moscou, Tarak Ben Salem. Et ce, « pour assister au premier voyage spatial de l’astronaute tunisienne qui participera à une mission dans la station spatiale internationale ».
Alors, le Président fera-t-il le pèlerinage à Moscou pour justifier à l’ombrageux maître du Kremlin la présence de la Tunisie dans la base aérienne américaine de Ramstein? Et ce, en présence d’une quarantaine de pays appartenant à l’OTAN. En vue d’une coalition contre l’ours russe dans sa guerre en Ukraine. D’ailleurs avait-il le choix?
Il faudra beaucoup d’habilité diplomatique à Kaïs Saïed, qui navigue désormais en eaux troubles, pour tenir un semblant de neutralité. Et ce, face aux deux superpuissances qui sont désormais dans une logique d’une nouvelle guerre froide. Entre temps, adieu aux slogans creux sur la normalisation. Et place à la politique du fait accompli et des couleuvres qu’il faudrait bien avaler.