L’Etat a, dans les pays démocratiques, un rôle dans le paysage médiatique : il garantit le droit à l’information pour tous. Un rôle essentiel.
L’Etat légifère, réglemente et administre le secteur des médias comme il le fait pour d’autres secteurs. Mais cette fonction a été totalement négligée par l’Etat tunisien. En raison des expériences du passé. Celles d’un Etat de nature autocratique. Bien des problèmes du paysage médiatique proviennent, du moins en partie, de cette réalité. En fait la transition n’a pas été là aussi assurée.
Le communiqué publié le 23 avril 2022 par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT), un des acteurs fondamentaux du paysage médiatique tunisien, en dit long sur les lacunes que comporte ce paysage, dont l’évolution est indicatrice de cette liberté de la presse que le monde entier fête en ce 3 mai 2022, journée mondiale de la liberté de la presse.
Parmi les six points que comporte ce communiqué, tout le monde aura notamment retenu un appel en vue du respect du principe de la liberté de la presse et du droit syndical, un second en vue de consacrer le principe du dialogue concernant la vie du secteur des médias et un troisième pour nommer les dirigeants de trois médias publics (la Radio et la Télévision Tunisiennes et l’Agence Tunis Afrique Presse).
Reste qu’il ne s’agit là que de quelques reproches que l’on pourrait faire à la gouvernance des médias publics et privés depuis 2011. Celle-ci n’a pas été noire, aux yeux de nombreux professionnels et de chercheurs, que pour la gouvernance du politique et de l’économique.
En témoigne, disent-ils, un état de malaise qui a conduit à la décision de faire deux grèves (en 2012 et en 2022). La première pour défendre la liberté de la presse et la seconde pour protester contre la mauvaise gestion des entreprises publiques du secteur des médias.
L’Etat, véritable rédacteur en chef
En cause, ici et là, sans doute, et lorsqu’on s’attarde sur les problèmes du secteur des médias : un désengagement de l’autorité publique dans les affaires des médias. Un désengagement que certains expliquent par la mauvaise expérience vécue par les professionnels depuis l’indépendance.
Une longue période de plus de cinquante ans au cours de laquelle les différents gouvernements qui se sont succédé ont été le véritable rédacteur en chef des médias. Fixant d’une manière unilatérale ce qu’il convient de dire et de ne pas dire et comment.
Reste qu’une réelle confusion a été faite entre l’Etat et le gouvernement. Il fallait donc observer les choses autrement en respectant le principe que l’Etat ne pouvait se désengager du secteur des médias parce qu’il est le garant du droit à l’information (Article 32 de la constitution tunisienne de 2014). De plus, c’est l’Etat qui légifère, qui réglemente et qui conduit les politiques publiques dont celle de l’information.
Le visage de la démocratie
L’Etat tunisien a-t-il une politique publique de l’information ? La réponse est non, assure Sadok Hammami, professeur à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information (IPSI), dans un rapport rendu en décembre 2021 et présenté dans une rencontre organisée par le SNJT sur précisément « La politique publique de l’information ».
Pour lui, l’Etat démocratique est un Etat qui donne à sa politique d’information le visage de la démocratie. Un visage respectueux de la primauté de la loi, de l’ouverture, de la liberté, de la promotion,…
Certes, la disparition du ministère de la Communication au lendemain du 14 janvier 2011 a été de ce fait peut-être une erreur. Elle a privé les professionnels d’un interlocuteur de choix. Comme, elle a été le signal du désengagement de l’Etat.
Un Etat qui se devait d’épouser la forme d’un bâtit démocratique au service de la liberté. Et qui pour ce faire se doit d’apporter une aide conséquente pour permettre à tous et notamment aux franges minoritaires de l’opinion de pouvoir d’exprimer leur opinion.
Abonnements du service public aux journaux, annonces publicitaires des entreprises publiques dans les journaux, réduction des frais de transport des journaux sur les lignes du transport public et aides diverses ont toujours constitué parmi les outils les plus efficaces pour la promotion de la presse dans de nombreuses démocraties.