A l’occasion du 9 mai, l’ambassadeur de l’Union Européenne auprès de la Tunisie, Marcus Cornaro a rendu public son discours consacré, en grande partie, à la coopération avec la Tunisie, état des lieux et projection sur l’avenir.
Après un rappel des fondements et des principes sur lesquels ont été basés la création de cette entité européenne, à savoir une « construction d’ensemble grâce à des réalisations concrètes pour une solidarité de fait avant de postuler, 5 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, à la construction d’une paix durable sur le continent européen et dans le monde.
Cornaro estime que « ceci a une résonance toute particulière cette année, deux mois et demi après l’agression russe contre l’Ukraine », avant d’ajouter que la guerre est, donc, de retour sur le continent européen, aux frontières de l’Union européenne.
Bien sûr d’autres conflits meurtriers ont endeuillé de trop nombreuses régions du monde, indique t-il encore, mais rarement la souveraineté d’un Etat, le droit international et humanitaires n’ont été bafoués de la sorte. Nous ne pouvons pas laisser la loi du plus fort s’instaurer. Nous ne pouvons laisser un pays envahir et semer la terreur chez son voisin, pays souverain, qui plus est, un peuple frère… Ces violations du droit, des principes et valeurs auxquels nous tenons, ont guidé la réaction, unie et unique, de l’Union européenne, qui soutient l’Ukraine et sanctionne lourdement la Russie. La condamnation par 141 pays, dont la Tunisie, de l’agression russe par un vote aux Nations Unies a été un message fort à un moment historique, et il faut maintenir cette unité pour mettre fin aux horreurs dont nous sommes témoins.
« Nous ne pouvons laisser un pays envahir et semer la terreur chez son voisin, pays souverain »
L’ambassadeur a ajouté que l’UE insiste sur « les valeurs partagées avec la Tunisie sur lesquelles repose notre partenariat privilégié. Durant plus d’une décennie la Tunisie a construit sa transition démocratique et ses institutions, qui sont mises à l’épreuve. Nous avons entendu l’insatisfaction face à la corruption, les injustices et des institutions imparfaites, ainsi que le besoin de repartir sur d’autres bases.
« La condamnation par 141 pays, dont la Tunisie, de l’agression russe par un vote à l’ONU a été un message fort à un moment historique »
Il a encore mis l’accent sur le fait que « seuls la Tunisie et les Tunisiens ont la responsabilité de trouver le système politique qui leur convient. « Si personne n’a la recette de la démocratie parfaite, nous en connaissons certains ingrédients de base. Et ici je vais paraphraser ce que mon collègue l’ambassadeur de Belgique avait déjà si bien dit le 15 novembre dernier, mettant en avant les deux principes fondamentaux à toute démocratie. Le premier, ce sont les droits et libertés qui protègent les citoyens de l’arbitraire du pouvoir. Le deuxième, c’est la séparation des pouvoirs, essentielle pour assurer ce respect des droits et libertés, la redevabilité des dirigeants, et le débat démocratique. Sur ce point, la Tunisie est aujourd’hui clairement dans un « état d’exception »…
« Seuls la Tunisie et les Tunisiens ont la responsabilité de trouver le système politique qui leur convient… »
Et de mettre l’accent sur le fait qu’en tant qu’amis, et « dans le respect absolu de sa souveraineté, nous sommes prêts à accompagner la Tunisie dans son chemin de restauration de la normalité constitutionnelle, dans un cadre de dialogue inclusif entre tous les acteurs politiques et sociaux… »
… « L’avenir de la Tunisie n’intéresse pas seulement les Tunisiens : elle nous intéresse aussi au plus haut point. Pour orienter et développer notre coopération, nos investissements, nos échanges, nous avons besoin de savoir où va notre partenaire privilégié.
Marcus Cornaro a passé, ensuite, en revue un historique des récents contacts et autres actions menés par les pays de l’UE en Tunisie et ses 27 Etats membres dont 17 sont présents en Tunisie.
Et de préciser que ces actions sont de plus en plus menées par la « Team Europe ciblant deux thématiques prioritaires il s’agit de l’Eau et des Investissements.
Il y a aussi eu la réponse conjointe face à la pandémie du Covid 19. L’équipe « Team Europe » s’est rapidement mobilisée en livrant 4,6 millions de doses de vaccins à la Tunisie dans le cadre du programme COVAX, soit 38% des doses administrées en 2021 dans tout le pays.
« La « Team Europe » cible deux thématiques prioritaires : l’Eau et les Investissements »
Dans le même ordre d’idées, et pour répondre à la COVID, l’UE a également complètement revu et adapté ses programmes aux besoins les plus pressants, que ce soit pour soutenir les efforts du Gouvernement avec des aides financières au budget, ou pour des actions directes sur le terrain, à travers les municipalités, et à travers la société civile. Dont le rôle reste incontournable dans toutes les actions en Tunisie.
Un autre engagement récent a été, selon M. Cornaro, la conclusion de l’accord Horizon Europe qui assure la participation de la Tunisie à ce grand programme au même titre que les Etats membres de l’UE. Horizon Europe soutient et encourage la recherche et l’innovation, deux secteurs essentiels pour notre avenir commun, et dans lesquels la Tunisie excelle grâce à la qualité de ses compétences humaines.
Les pistes de coopération à venir ne manquent pas. Pour démontrer le soutien de l’UE à la Tunisie face aux défis socio-économiques importants et aux effets des chocs externes, comme la COVID et maintenant l’invasion russe de l’Ukraine, le Commissaire Várhelyi, a fait d’importantes annonces quant aux subventions et prêts à la Tunisie, y compris en soutien aux réformes.
« L’accord Horizon Europe assure la participation de la Tunisie à ce grand programme au même titre que les Etats membres de l’UE »
L’ambassadeur relève que le Commissaire avait souligné que « l’UE n’est pas venue dire ce qu’il faut faire, mais pour « écouter de notre partenaire où nous pouvons être utiles ». Des domaines ont ainsi été identifiés, avec le gouvernement tunisien, pour notre coopération.
Il s’agit notamment des énergies renouvelables, de la réforme de l’économie digitale, réforme économique et sociale pour créer plus d’opportunités et d’emplois durables. Il a souligné que nous sommes prêts à mobiliser jusqu’à 4 milliards d’euros dont une grande partie pour des investissements… »
Sur ce point précis, M. Cornaro a mis en avant le rôle joué par des acteurs européens privés en Tunisie. « Les investisseurs européens représentent 85% des investissements en Tunisie. Ils sont intégrés dans le tissu local, créent de l’emploi, créent de la valeur, mais ils rencontrent certaines difficultés que les autorités tunisiennes devraient aplanir, afin de créer un environnement des affaires plus favorable.
« Le Commissaire de « l’UE n’a pas dit aux Tunisiens ce qu’il faut faire, mais il a voulu écouter de notre partenaire où nous pouvons être utiles »
Notre partenariat s’inscrit dans la durée. Depuis 1969 avec le premier accord en passant par l’Accord d’Association de 1995 qui régit encore la relation bilatérale et qui était le premier accord euro-méditerranéen conclu par l’Union européenne dans la région.
« Face à la pandémie, face à la guerre en Ukraine et ses conséquences, face aux guerres commerciales, face à la compétition technologique, face aux bouleversements climatiques à nos portes et face à tous ces défis nous avons plus que jamais besoin de partenaires stables et fiables sur qui compter réellement », a clamé, en substance.
Et de conclure ainsi : « La fête de l’Europe revêt un sens tout particulier en Tunisie, car elle nous permet de revenir sur le chemin parcouru, chacun à sa manière, dans sa construction démocratique. Elle nous permet de revenir aussi sur le chemin parcouru ensemble. Elle nous permet de nous projeter, sur les bases de valeurs et de priorités partagées. Il y a de nombreuses raisons d’être fiers et heureux de ce chemin et confiants dans notre avenir et notre résilience ».