Quelques semaines après la victoire d’E. Macron à l’élection présidentielle française, la perspective d’un « match retour » à l’occasion des prochaines élections législatives se précise. Or contrairement à l’élection présidentielle, ce n’est pas l’extrême-droite incarnée par M. Pen qui menace le pouvoir d’E. Macron, mais l’opposition de gauche.
En quelques jours, les négociations entre les partis des mouvements de gauche et écologistes ont trouvé un accord sur un « programme commun ». Mieux, les sondages n’excluent pas une majorité parlementaire de gauche au sortir des élections législatives du mois de juin prochain. Une majorité possible qu’à la condition que les Français musulmans et/ou descendants d’immigrés se mobilisent.
Une Nouvelle Union populaire écologique et sociale
L’alliance autour de la bannière unique de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES) repose sur un accord électoral (de répartition des circonscriptions); mais aussi sur un socle programmatique de nature à actualiser les traditionnels idéaux de gauche. A savoir: la lutte pour l’égalité et, désormais, la lutte contre le réchauffement climatique.
Une nette majorité d’électeurs de gauche souhaitait une telle alliance et soutient désormais les candidats communs aux législatives françaises. L’accord suscite même une sorte d’espoir, un début de réenchantement. Y compris chez ceux qui s’étaient résignés au confort du retrait, de la passivité et du silence. En cela, l’accord scellé revêt une assise proprement démocratique, une légitimité populaire. Car il traduit une attente, une exigence, une volonté citoyenne « venue d’en bas ».
L’accord exprime une part de clarification idéologique, ou du moins programmatique, qui procède d’une double volonté radicale. En effet, il s’agit de répondre à ce qui est identifié communément comme une urgence écologique, sociale et démocratique, d’une part ; et (par conséquent), rompre avec l’héritage (social) libéral des majorités précédentes, d’autre part. Sur le premier point, les négociations ont pris acte d’une réalité programmatique. Soit, il n’y a pas de différence fondamentale entre les projets de société défendus par les divers partis concernés sur les volets sociaux, économiques et écologiques.
Ainsi, l’alliance des gauches a l’opportunité de pouvoir imposer des thèmes (de la transition écologique à la lutte contre les inégalités) et une approche progressiste (en termes de droits sociaux notamment) constitutifs d’un projet de société alternatif et concurrent aux blocs libéral et d’extrême-droite.
Le projet de société que charrie le socle programmatique commun replace en effet les questions de justice sociale, fiscale et écologique au cœur de la matrice de la gauche du XXIe siècle. Une rupture avec une conception gestionnaire du pouvoir prolongée par un rejet de la dérive réactionnaire des politiques publiques animées par la seule devise « autorité, sécurité, identité ».
Une double rupture, donc, qui aurait le mérite pour la gauche écologiste de glisser d’une posture défensive à une stratégie offensive. Ainsi, face à l’arc politique et intellectuel lié par un même déni des maux d’une société inégalitaire, productiviste et consumériste, la NUPES est en position de proposer de revisiter la devise républicaine pour mieux lui redonner vie.
Le soutien des Français musulmans ?
Les quartiers populaires où résident beaucoup des descendants d’immigrés ont voté pour le principal candidat de la gauche, J.-L. Mélenchon. Voyant en lui un responsable politique qui fustige à la fois les inégalités sociales et l’islamophobie qui s’est diffusée dans le débat public. Les discours radicaux des candidats d’extrême droite ont contribué à mobiliser les électeurs français musulmans. De ce point de vue, il semble légitime que les exclus nourrissent l’espérance d’une Assemblée nationale à gauche.
Toutefois, si les électeurs musulmans ont majoritairement donné leur voix à Jean-Luc Mélenchon, il ne s’agit pas l’expression d’un « vote communautaire ». Car on ne peut pas parler de vote musulman, espèce de communautarisme qui voterait comme un seul homme pour un candidat.
Le label « communauté musulmane » ne correspond à nulle catégorie sociale homogène ou à un quelconque bloc monolithique. Les citoyens musulmans- car il s’agit d’abord d’individualités- ont (par définition) une identité plurielle. Celle-ci nourrit une hétérogénéité collective qui discrédite l’idée même de « communauté musulmane ».
Ainsi, malgré des origines sociales le plus souvent modestes et l’appartenance d’une majorité d’entre eux aux classes sociales défavorisées, l’accès à l’enseignement supérieur et l’augmentation du nombre / niveau de diplômés / diplôme est source de distanciation intergénérationnelle (parents / enfants) et de diversification des profils et parcours socioprofessionnels intragénérationnelle. Cette hétérogénéité sociale se trouve confortée par un rapport diversifié à la foi, à la pratique religieuse… et politique. Puisqu’une même personne peut se considérer de culture musulmane tout en étant athée.