Le tour de vis de la Réserve Fédérale de 50 points de base, à l’issue de la réunion de son comité de politique monétaire du mercredi 4 mai, a ramené les taux directeurs à la fourchette 0,75%-1%. C’est la première hausse d’une telle ampleur depuis l’an 2000.
Une décision qui fait l’unanimité au sein de la Fed, au moins pour deux raisons. D’abord, la vigueur de la montée de l’inflation aux Etats-Unis, 8,5% en mars, son plus haut niveau depuis 1981. Ensuite, son caractère endogène avec l’apparition de ses répercussions sur les salaires, un effet absent en Europe jusqu’à aujourd’hui.
Ce n’est pas le resserrement de la politique monétaire, via une hausse de 50 pb de base, qui va ramener l’inflation autour de son objectif (2%). Toutefois, cette deuxième hausse des « fed funds rates » a permis de mettre un terme à la fable de « l’inflation temporaire », une rupture qui tarde à voir le jour du côté de la BCE, traduisant ainsi l’entrée de la Fed dans un cycle de normalisation monétaire.
Tout laisse à croire que le cycle de resserrement monétaire engagé par la Fed n’est qu’à son début et qu’il est appelé à se renforcer dans les prochains mois. Plusieurs raisons plaident pour davantage de durcissement monétaire.
« Tout laisse à croire que le cycle de resserrement monétaire engagé par la Fed n’est qu’à son début… »
Premièrement, une inflation dépassant les 7% ne se combat pas avec des taux d’intérêt inférieurs à 2%. Des taux d’intérêt réels en territoire négatif freinent l’épargne et encouragent la consommation.
Deuxièmement, le scénario de l’enlisement dans la guerre en Ukraine contribue à maintenir la menace inflationniste pour plusieurs mois.
Troisièmement, avec les nouvelles stratégies de couverture contre le risque inflationniste via des placements en matières premières (métaux et autres), un cercle vicieux s’installe.
Ainsi, l’achat de ce type d’actifs réels se transforme en une fabrique de l’inflation. Une entrée qui fait frémir certaines économies, surtout du côté du monde émergent et en développement.
La remontée des taux de la Fed alimente la ruée vers les placements en billet vert. Un cocktail explosif (de hausse des taux d’intérêt et de dépréciation de la monnaie locale) pour des pays lourdement endettés en dollar et fortement dépendants des produits de base, dont les cours devraient demeurer sous pressions haussières.
(Article publié dans le n°844 de L’Economiste Maghrébin du 11 au 25 mai 2022)