La réalité, l’illusion et le vrai sont des concepts que nous utilisons quotidiennement et sans savoir leur définition. Est-ce que nous avons tous la même perception du monde? Autrement dit, comment réagissons-nous à travers ce monde ? Face aux mensonges, à la propagande et aux manipulations, comment discerner le vrai du faux, la réalité de la fiction ?
Pour répondre à ces questions, nous avons interviewé l’écrivain français Benoît Aymonier, résident en Tunisie depuis 2007, à la suite de la publication de son deuxième livre « Résister aux illusions : Comment accéder à la réalité du monde, des autres et de soi-même ».
Qui est Benoît Aymonier ?
Je suis l’auteur de deux livres. Mon premier livre « Lâcher prise, comment se reconnecter à soi-même », a été publié en 2017. Il accompagne le lecteur dans une profonde découverte de lui-même, au-delà de ce qui est superficiel ou accessoire. J’y présente des témoignages à la fois de ma vie personnelle et professionnelle.
Je suis ingénieur diplômé des Arts et Métiers et de l’ESIEE. Je suis aussi un entrepreneur depuis 1994. J’ai dirigé plusieurs structures. J’ai assuré des formations à de nombreuses équipes dans un environnement multiculturel. Suite à un Master spécialisé en ingénierie des médias numériques, j’ai créé des sociétés de services en informatique. Je me suis également beaucoup formé en management, en communication, en gestion de conflits, en gestion de stress et en intelligence émotionnelle.
Comment êtes-vous passé d’entrepreneur à écrivain ?
L’écriture s’est imposée à moi. En 2012, j’ai vécu une expérience qui a bouleversé ma façon de voir le monde. J’ai partagé dans mon premier livre cette expérience et ses résultats positifs, tant sur mes activités professionnelles que dans ma vie personnelle. J’ai trouvé l’écriture comme un bon canal pour transmettre ce que j’aspire à partager. Ce premier livre m’a incité à en écrire un deuxième qui est la suite du premier. Aujourd’hui, je prépare un troisième livre qui abordera une dimension plus spirituelle en lien avec la question « Qui sommes-nous ? », qui explorera des pistes de réponses sur la base de ce que nous sommes dans l’essence profonde de nous-mêmes? .
Pourquoi choisissez-vous d’être résident en Tunisie?
Je suis venu en Tunisie pour accompagner la croissance d’une de mes sociétés en renforçant mes équipes avec des compétences tunisiennes. Il y avait des incitations à l’investissement en Tunisie. J’y ai créé une société de service dans laquelle l’accompagnement au développement de compétences était au cœur de sa valeur ajoutée. Je me suis donc naturellement dirigé vers le coaching.
Pourriez-vous nous présenter votre deuxième livre « RÉSISTER AUX ILLUSIONS : Comment accéder à la réalité du monde, des autres et de soi-même »?
L’idée de ce deuxième livre est de décrire ce qui se passe lorsqu’on s’’illusionne sur les choses. Il aide le lecteur à comprendre son lien au monde, aux autres et lui-même. J’y explique les mécanismes qui aboutissent à la formation de nos illusions.
En effet, nous sommes en lien avec le monde à travers les représentations mentales que nous nous en faisons. Un peu comme une carte qui décrit un territoire, nous percevons le monde à travers les représentations mentales que nous produisons dans notre cerveau.
De la même façon que nous risquons de nous perdre, voire d’avoir un accident, si nous évoluons dans une ville avec la carte d’une autre ville, il est important que les représentations que nous nous faisons du monde et de ses phénomènes correspondent au monde tel qu’il est. Je me suis donc attaché à donner des clés au lecteur afin qu’il puisse au mieux accéder à la réalité du monde, des autres et de lui-même, afin qu’il produise des cartes les plus fiables et précises possibles.
Selon vous, qu’est-ce que l’illusion ?
On parle d’illusion lorsque l’image que l’on se fait d’une chose ne correspond pas à ce que la chose est réellement. S’illusionner c’est se faire une représentation qui décoïncide de la réalité, du réel.
Nos représentations sont fictives. Nous produisons des films intérieurs de la réalité extérieure et ces films sont des fictions. C’est lorsque les films ne traduisent pas ce qui se passe réellement que l’on peut dire que l’on s’illusionne.
La réalité n’existe donc pas ?
Ça dépend de ce qu’on met derrière le mot « réalité ». Je peux répondre par oui et non. La réalité n’existe pas dans le sens où les représentations que je me fais du réel ne sont pas le réel qu’elles représentent. L’image que je me fais du monde n’est pas le monde lui-même. C’est une image à l’instar du tableau de Magritte qui représente une pipe mais qui n’est pas une pipe. C’est d’ailleurs ce que l’artiste à écrit sur son oeuvre.
La réalité objective attachée à l’objet existe en tant qu’objet. Puis chaque individu, chaque sujet, s’en fait sa propre représentation subjective. La réalité n’existe pas dans le sens où on n’accède jamais directement au réel. On n’accède qu’aux représentations fictives que nous produisons selon des cadres de référence imposés par nos expériences.
Comment pouvons-nous sortir de l’illusion et distinguer le vrai du faux ; la réalité de la fiction ? Qu’est-ce que vous proposez dans ce cadre ?
De façon très synthétique, sortir de l’illusion se fait en confrontant la représentation que l’on se fait des choses aux choses elles-mêmes. C’est ce que font tous les chercheurs à travers la démarche scientifique qui vise à établir des modèles descriptifs et prédictifs, des cartes, à propos des phénomènes qu’ils observent, des territoires. Une fois un modèle élaboré, le scientifique construit une expérience pour vérifier que les prédictions du modèle correspondent aux mesures faites lors de l’expérience. Si cela correspond, le modèle est validé. S’il y a un décalage, le modèle produit des résultats qui ne correspondent pas au réel tel qu’il est. Le modèle produit des illusions et il faut revoir sa copie.
Un autre antidote précieux aux illusions, c’est l’esprit sainement critique qui consiste à à ajuster son niveau de confiance de façon appropriée selon l’évaluation de la qualité des preuves à l’appui et de la fiabilité des sources.
Est-ce que selon vous l’objectivité dans les médias est une illusion ?
L’objectivité des médias n’existe pas dans le sens où les médias sont alimentés par des journalistes qui sont des êtres humains. Ils ont leurs points de vue, leurs avis. Ils ont un regard qui, de fait, est subjectif. La démarche d’un journaliste se doit d’être objective en partant et en relatant les faits d’une part, et en distinguant ce qui est factuel, supposé, interprété, évalué, extrapolé, voire jugé d’autre part. L’objectivité est quasi inatteignable du fait des biais tant de la part du journaliste que de ceux du lecteur.
Sans parler de circonstances exceptionnelles de crises durant lesquelles l’objectivité est mise à mal. Par exemple, en période de guerre, il y a la propagande médiatique. Il n’y a pas de conflit sans propagande et sans censure comme dans la guerre Ukraine-Russie ou celle de l’Iraq. Il n’y a pas une guerre sans mensonges. Il convient de faire particulièrement attention aux informations publiées en général et sur les réseaux sociaux en particulier pour ne pas tomber dans le piège des illusions. Mon livre propose des clés pour aider le lecteur à ce qu’il ne se fasse pas trop manipuler, à ce qu’il ne prenne pas trop de vessies pour des lanternes.