L’euro s’approche progressivement de la parité avec le dollar américain pour la première fois en 20 ans, mais les stratèges en matière de devises sont divisés sur la question de savoir s’il y parviendra, et ce que cela signifiera pour l’économie mondiale.
La monnaie unique a atteint 1,03 dollar au début de la semaine. Elle oscille ce matin dans la fourchette 1,05 – 1,06, confirmant sa tendance baissière depuis près d’un an. Elle était de 1,22 dollar environ en juin 2021.
Ce trend a été renforcé par l’aversion au risque des marchés, les inquiétudes concernant le conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’inflation galopante, les problèmes de chaîne d’approvisionnement, le ralentissement de la croissance et le resserrement de la politique monétaire ayant poussé les investisseurs à se tourner vers les actifs refuges.
Le resserrement de l’écart entre les deux monnaies a également été alimenté par la divergence des politiques monétaires des Banques centrales. Au début du mois, la Réserve fédérale américaine (Fed) a augmenté les taux d’emprunt de référence de 50 points de base, sa deuxième hausse en 2022, dans le but de contenir l’inflation qui atteint son plus haut niveau depuis 40 ans. Elle continuera à le faire jusqu’à se rapprocher de son objectif d’un indice des prix à la consommation de 2%.
Quant à la Banque centrale européenne (BCE), elle n’a pas encore relevé ses taux d’intérêt malgré une inflation record dans la Zone Euro. Cependant, elle a signalé la fin de son programme d’achat d’actifs. La faiblesse excessive de l’euro menace la stabilité des prix dans le marché unique, en augmentant le coût des biens importés et des matières premières libellés en dollars et en alimentant davantage les pressions sur les prix.
Un dollar déjà à ses limites ?
La forte efficience des marchés de change fait que le cycle agressif de hausse des taux d’intérêt de la Fed et le resserrement quantitatif au cours des deux prochaines années sont déjà pris en compte dans le dollar.
La parité nécessite une évolution défavorable des flux de la balance des paiements de la Zone Euro et des chocs négatifs supplémentaires sur l’approvisionnement en énergie, tirant la monnaie unique vers le bas.
Nous sommes donc à un stade où une nouvelle détérioration des conditions financières mondiales sapera les attentes de resserrement de la Fed, alors qu’il reste encore beaucoup de resserrement à prévoir pour l’Europe en particulier.
L’indicateur de positionnement sur les marchés de change montre que les positions longues en dollars par rapport aux devises des marchés émergents sont à leur plus haut niveau depuis le pic de la pandémie de Covid-19. Tous ces éléments donnent le même message : le dollar est trop élevé et ne pourrait pas monter encore.
Ou un euro encore fragile ?
D’autres arguments sont en faveur d’un nouvel affaiblissement de l’euro. Les différentiels de taux d’intérêt par rapport aux États-Unis ont évolué en défaveur de l’euro. Et ce, après la réunion de la Fed de juin 2021, au cours de laquelle les responsables politiques ont signalé un rythme de resserrement de plus en plus agressif de leur politique.
Le récent virage restrictif de la BCE n’a pas encore égalé celui de la Fed et n’a pas été suffisant pour compenser l’augmentation des prévisions d’inflation dans la Zone Euro depuis le début de 2022.
Une trajectoire moins agressive qu’escompté pour la BCE impliquera une modification supplémentaire des écarts de taux d’intérêt nominaux par rapport à l’euro, bien qu’elle soit beaucoup plus faible que celle observée en juin dernier.
La détérioration des termes de l’échange du marché commun et le ralentissement de l’économie mondiale, avec de nouvelles turbulences à venir, renforcent encore ce scénario.
Le résultat est que l’euro s’affaiblira encore un peu par rapport au dollar, atteignant la parité au cours de l’année avant de rebondir en 2023, lorsque les vents contraires de l’économie s’atténueront et que la Fed arrivera au terme de son cycle de resserrement.
Dans tout cela, la Tunisie subit ces évolutions. Tous les chemins mènent à une nouvelle révision à la baisse des prévisions de croissance pour la Zone Euro, notre premier partenaire. C’est pour cette raison que les perspectives d’évolution de notre PIB ne cessent de se dégrader. Le contexte est très difficile pour un pays qui a de facto perdu, aux yeux de l’étranger, son étiquette démocratique.