Deux questions trottent dans la tête de plus d’un aujourd’hui : quel impact sur les débats proposés par Kaïs Saïed sur la Nouvelle République en l’absence de l’UGTT et le chef de l’Etat peut-il rétropédaler ?
Maintenant que les choses sont, pour ainsi dire, ce qu’elles sont, il est peut-être bon de se demander comment la situation pourrait évoluer d’ici le 17 décembre 2022, aboutissement du processus né le 25 juillet 2021. Car, le moins que l’on puisse dire, nous sommes dans un tournant avec le décret-loi n° 30 qui a créé une architecture préparant notamment la constitution qui devra être soumise au vote le 25 juillet 2022 qui coïncide avec la fête de la République.
Et après le refus de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) de celle-ci, il faut initier une double interrogation. D’abord, dans quelle mesure ce refus de la principale centrale syndicale du pays, et si évidemment rien n’est fait afin qu’elle aille à la table des négociations, pourrait impacter tout le dispositif mis en place depuis le 25 juillet 2022. Comprenez si ce refus peut perturber, ne serait-ce partiellement, les consultations proposées dans le décret-loi n°30.
Entente cordiale
Il est d’évidence que l’UGTT est un grand morceau. Sa participation à la lutte nationale pour l’indépendance et son implication directe dans la construction de la République font que sa présence est on ne peut plus souhaitable. Elle ne peut être du reste soupçonnée d’être dans les rangs des adversaires du chef de l’Etat ; elle s’impose –et l’a assez précisé- comme un adversaire résolu de l’avant 25 juillet 2021 et de ceux qui défendent ce passé qu’elle a toujours largement critiqué.
Une remarque s’impose, sans doute, à ce niveau : qu’il s’agisse de la décennie 1960-1970 ou celle d’après (1970-1980), l’UGTT a été un artisan de la politique menée.
A-t-on oublié que la politique dite socialiste d’Ahmed Ben Salah est celle promise par l’UGTT dans les « Perspectives décennales » ou encore que la politique libérale de Hédi Nouira n’a pas pu être menée sans l’appui de l’UGTT et de son chef, Habib Achour, et de l’entente cordiale entre les deux hommes qui s’est exprimé par le « Pacte social ?
Les années Ben Ali ont certainement été marquées par une tentative de mise au pas de l’organisation, mais force est de constater que l’ancien président a eu une politique sociale qui lui évitait les soubresauts.
A-t-on oublié là aussi que l’une des principales préoccupations de Ben Ali, pour des raisons évidemment sécuritaires, était de ne pas laisser les conditions de vie des citoyens connaître ce qui pouvait les perturber. Mais, lorsque les écarts sont devenus si grands entre les franges sociales, l’UGTT s’est mobilisée contre lui et a joué un rôle pour faire tomber le deuxième président de la République.
Mettre en péril tout l’échafaudage
Les prochains jours pourraient-ils connaître des bouleversements concernant le dossier du Dialogue 5+5 (le volet social) et la « nécessaire approbation » par l’UGTT des réformes économiques exigée par le Fonds Monétaire International (FMI) ?
Et la classe politique, compte tenu de cela, comme du reste de l’opinion est à même de se demander si le chef de l’Etat pourrait rétropédaler ?
Sachant qu’il n’y a d’autres issues que de changer de fusil d’épaules. D’autres l’on fait avant lui. Comme en 1984 lorsque l’ancien président Habib Bourguiba a décidé de revenir sur les augmentations du prix du pain et des produits de base le tout est de savoir s’il pourrait le faire ; certains disent, et au vu de ses faits et gestes, que cela ne lui ressemble pas vraiment. Et que cela mettrait en péril tout l’échafaudage qu’il a mis en place,
Ensuite, jusqu’à quel point il pourrait aller. On avance déjà des scénarios : une déclaration, des invitations à une participation qui se feraient en dehors de ce que stipule le décret-loi n°30, voir un amendement pur et simple de ce dernier texte…?
Kaïs SaÏed acceptera-t-il de lâcher du lest, par ailleurs, au niveau de l’aspect purement consultatif des différents débats et propositions qui seraient faits au sein des structures créées par le décret-loi N° 30 ? Ces questions et d’autres préoccupent plus d’un.
Il est plus que probable que s’il fait marche-arrière, l’opposition, ou une partie d’entre elle, trouverait toujours le moyen de demander encore plus. Percevant cela comme une victoire. Et ne manquera de nourrir plus de contestations et de polémiques. Et ce, alors que le temps est bien compté.
Chaque jour qui nous sépare du 20 juin 2022 date butoir pour que les trois structures créées doivent rendre leur copie est bien précieux. Comprenez que plus le temps passe, plus les contradicteurs du chef de l’Etat trouveraient les moyens de dire que les débats en vue de la Nouvelle République ont été mal conduits !