À l’occasion de la journée mondiale sans Tabac 2022, fêtée chaque année le 31 mai, la plateforme médicale Med.tn a organisé une table ronde sur les méfaits du tabagisme en présence d’éminents scientifiques et des représentants de médias.
Les scientifiques présents à savoir les Dr Dhaker Lahidheb, cardiologue, Dr Zoubeir Chater, médecin spécialiste en diététique médicale et Dr Reda Ben Arif, Spécialiste en Pneumologie-asthme-allergologie Endoscopie bronchique, ont partagé avec les journalistes présents les plus récentes observations et recherches liées à la première cause de maladie et de décès évitable en Tunisie. Les discussions ont porté sur l’évolution de la prévalence tabagique, une revue des politiques de lutte et leur évaluation ainsi que les stratégies thérapeutiques recommandées dans l’aide au sevrage et autres alternatives moins nocives pour arrêter de fumer tels que la vape et le tabac chauffé.
Tabagisme en Tunisie
La consommation de cigarette cause chaque année plus de 13,200 décès en Tunisie, soit 20% de tous les décès du pays, entraînent des coûts élevés pour la santé et des pertes économiques.
Rien qu’en 2019, ces pertes annuelles ont compris 146 millions de dinars de dépenses de santé, et 1,9 milliard de dinars de pertes économiques indirectes dues à une mortalité prématurée et à des problèmes de santé ainsi qu’aux pauses-cigarette sur le lieu de travail.
L’enquête sanitaire tunisienne de 2016 a révélé que 22,3% des adultes étaient des fumeurs de cigarettes âgés de 15 ans et plus. Ils consomment en moyenne près d’un paquet de cigarettes par jour.
Selon les chiffres de la banque mondiale, le taux de tabagisme en Tunisie pour 2018 était de 26%, soit une baisse de 1,1% par rapport à 2016. En 2016, il était de 27,10%, soit une baisse de 1,5% par rapport à 2014.
Ceci étant dit, la Tunisie se positionne comme pays ayant un taux de tabagisme élevé par rapport à l’Égypte avec 21,4% ou le Maroc avec 14,7%. Selon le rapport 2019 de l’OMS sur le tabagisme, la prévalence du tabagisme chez les hommes tunisiens est de 43,3% contre 2% pour les femmes. Ce qui la place dans le top 10 des pays où la prévalence du tabagisme masculin est la plus élevée au monde.
Agir maintenant permettra d’éviter 55 500 décès, 5,3 milliards de dinars de dépenses de pertes économiques à l’horizon de 2035. Il permettra d’économiser 405 millions de TND en dépenses de santé.
Méthodes pour accompagner et aider au sevrage tabagique
L’assistance médicale constitue le fer de lance de toute politique de sevrage avec des chances de réussite élevées. Cette démarche à pour intérêt de susciter et maintenir la motivation au changement. Des thérapies cognitivo-comportementales, un soutien téléphonique et d’autres outils de supports sont essentiels pour garantir toutes les chances de réussites à l’effort de sevrage du patient.
« Dans une première étape, il est primordial d’appeler le fumeur à arrêter. Le conseil est d’autant plus impactant lorsqu’il s’agit d’un scientifique qui met en avant les méfaits du tabagisme et met en garde contre les effets néfastes que peut avoir la cigarette sur la santé. Dans une seconde étape, le fumeur doit être pris en charge médicalement d’une manière régulière et spécifique selon son degré d’addiction et ses caractéristiques de santé », a déclaré Dr Ridha Ben Arif.
Le Dr Zoubeir Chater a ajouté que « le soutien accordé au patient constitue la base de la prise en charge et l’intensité de dépendance à la nicotine permettra de définir le niveau de TNS – Traitement Nicotinique de Substitution ». Cette solution réduit considérablement l’envie de fumer, contribue à soulager les symptômes de sevrage et permet d’éviter les rechutes dues à la dépendance.
Réduction et arrêt temporaire de la consommation
La population mondiale de fumeurs va se situer autour de 1 milliard d’individus en 2025 selon les prévisions de l’OMS. Ce chiffre constitue un défi pour les organismes internationaux. Et ce afin de réduire l’impact du tabagisme sur les populations aussi bien au niveau de la santé qu’à celui du développement durable.
D’autre part, les coûts économiques du tabagisme sont considérables selon l’OMS. Il s’agit à la fois des coûts substantiels qu’entraîne le traitement des maladies causées par le tabagisme et du capital humain perdu à cause de la morbidité et de la mortalité imputables au tabac.
Si l’arrêt de fumer est primordial pour retrouver une bonne santé, la réduction peut constituer une phase intermédiaire pour les fumeurs qui ne sont pas disposés à cesser de fumer. Ils permettent un apport quotidien de nicotine sous une forme différente du tabac.
Eviter la toxicité des cigarettes
C’est le cas du Royaume Uni, où Public Health England recommande la cigarette électronique en tant qu’alternative plus sure. L’organisme anglais s’est prononcé sur la question ainsi : « Aider les gens à cesser de fumer en permettant des technologies innovatrices qui minimisent le risque de dommage et maximisent la disponibilité d’alternatives qui sont plus sûres ».
Ce traitement de substitution permet au fumeur d’envisager plus facilement le sevrage, voire de réduire sa consommation avant l’arrêt total. Un autre pays est reconnu pour sa réduction de la consommation de cigarettes grâce au tabac chauffé, il s’agit du Japon. Le pays est devenu un modèle pour la diminution des méfaits du tabac en réduisant ses ventes de cigarettes de près d’un tiers en l’espace de trois à quatre ans depuis l’introduction du tabac chauffé en 2014.
Les alternatives à la cigarette
Intervenant à ce sujet, le Dr Dhaker Lahidheb a déclaré que « les alternatives à la cigarette tels que la vape et le tabac chauffé constituent un outil de réduction des risques. Elles peuvent être utilisées en tant qu’aide au sevrage tabagique pour les personnes fumeuses désireuses d’arrêter. Les médicaments et produits nicotiques comme les patchs, chewingum … ne sont malheureusement pas disponibles en Tunisie. Il est inadmissible de demander aux patients de ramener ces produits de l’étranger ».
Le Dr Ridha Ben Arif a quant à lui admis les éventuels bienfaits de la cigarette électronique pour arrêter de fumer. Il a reconnu qu’il est plus simple d’arrêter la cigarette progressivement ainsi la cigarette électronique peut accompagner les fumeurs dans une démarche de sevrage tabagique progressive.
Notons au final que les alternatives à la cigarette sont présentes sur le marché tunisien mais à des proportions moindres. En Tunisie, les utilisateurs d’E-cig représentaient 4% du total des fumeurs en 2019.