La Haute Instance des Finances Locales a tenu, mercredi 1er juin 2022, une conférence pour présenter son 2ème rapport annuel sous le slogan « Pour une performance améliorée des communes ». Et ce, en présence de représentants des ministères et des collectivités locales, d’organes de contrôle. Ainsi que des établissements d’enseignement supérieur, de la société civile et des médias.
L’ouverture des travaux par Néjib Gtari, Premier Président de la Cour des comptes a placé l’évènement dans le cadre de la recherche de la synergie indispensable entre les acteurs du pouvoir central, du pouvoir local, des organes de contrôle, des institutions d’enseignement supérieur la société civile et les media pour donner l’élan au processus de la décentralisation, la bonne gestion des deniers publics et la redevabilité des élus locaux et de l’Administration à tous les échelons étant les éléments clés pour l’atteinte des objectifs et pour répondre aux aspirations du citoyen.
Amel Elloumi Baouab, Magistrate financière et Présidente de la Haute instance des finances locales, a exposé le bilan des finances locales au titre de la gestion 2020 et durant la période entre 2017 et 2020. En mettant l’accent sur les finances des communes. Elle a indiqué que les ressources communales n’apportent que 1.9% au produit intérieur brut (PIB) et représentent moins de 7% comparées aux ressources de l’Etat. Des indicateurs faibles qui ne reflètent pas une décentralisation effective.
Le recul de l’indicateur de l’autonomie financière des communes
Contrairement aux résultats attendus du processus d’appui de la décentralisation, l’indicateur de l’autonomie financière des communes a reculé de 57.2% en 2019 à 53.5% en 2020. L’indicateur de décentralisation au taux de 2,7 % et avec une diminution de 0.4% en 2020 par rapport à 2019, reflète la faible marge de manœuvre en termes de dépenses communales. Il s’explique par les attributions qui demeurent limités au niveau local.
Dans le même contexte et selon le rapport, les communes ont connu une baisse de leurs ressources propres. Et ce, entre 2019 et 2020. Ce qui va à l’encontre des dispositions légales en la matière. Afin de renforcer les ressources propres devant représenter la part la plus importante des ressources de chaque collectivité locale.
La part des recettes fiscales s’est stabilisée à 44 %. Tandis que 42,5 % des ressources dépendent des transferts et subventions de l’État. Ces transferts, dans leur système actuel qui les régit, n’ont pas réussi à atteindre les objectifs souhaités. Notamment la réduction des déséquilibres financiers et des disparités entre les municipalités.
D’après le rapport, les dépenses de gestion ont évolué entre 2017 et 2020 à un rythme plus rapide que les dépenses de développement, et par conséquent leur part des dépenses communales totales est passée de 69,7 % en 2017 à 77,7 % en 2020, enregistrant une croissance à un taux annuel de 10,1 %.
Cette évolution est due essentiellement à l’augmentation des dépenses de rémunération de 189,1 millions de dinars au cours de cette période passant de 430 millions de dinars en 2017 à 619,1 millions de dinars en 2020. Ainsi, la part de la masse salariale dans le total des ressources ordinaires des communes a atteint 54,6 % en 2020. Alors qu’il était de 46,7 % en 2019.
Amélioration face à une une insuffisance de ressources humaines
Malgré l’importance de ces dépenses, les communes connaissent une insuffisance de ressources humaines, en nombre, en qualification et en formation. Le nombre total d’agents municipaux en 2020 est de 32885. Ce qui représente environ 5% du total d’agents de la fonction publique. Quant au pourcentage d’encadrement dans les municipalités au cours de la même année, est d’environ 12%, dont environ 10% de cadres administratifs et environ 2% de techniciens.
Les investissements communaux ont connu une baisse significative en 2020, qui s’est traduite par une diminution des dépenses. A ce titre de 15,9%, les crédits consommés n’ayant pas dépassé 29,4%. Ainsi, les excédents enregistrés pour l’année 2020 se sont élevés à environ 830,8 millions de dinars, soit un montant d’environ 158 millions de dinars au niveau du budget de fonctionnement et 672,8 millions de dinars au niveau du budget d’équipement.
Augmentation des dettes municipales
Le rapport de la Haute Instance des Finances locales a également démontré que les dettes municipales se sont accumulées. Et ce, ces dernières années malgré l’intervention de l’Etat à plus d’une reprise pour en résorber une part importante. Ces dettes sont passées de 149,8 millions de dinars en 2015 à 188,6 millions de dinars en 2017. Elles ont atteint 191,7 millions de dinars en 2020, dont 171,6 millions de dinars dus au secteur public.
Dans une évaluation des finances des conseils régionaux, le rapport de l’Instance indique que les ressources totales ont diminué entre 2019 et 2020, à un rythme de 6,3%. L’indicateur d’autonomie financière au cours de l’année 2020 a connu une baisse d’un demi-point. Et ce, par rapport aux résultats de 2019 pour atteindre 5,5% après sa hausse en 2019 à 6% contre 4,1% en 2018.
La nécessité de renforcer la transparence de la gestion des collectivités locales
A la lumière de ces chiffres, M. Fayçal Kazzaz, Membre de la Haute Instance des finances locales, a présenté les mesures proposées pour promouvoir les finances locales.
L’objectif du rapport est de contribuer à l’élaboration de plans et de mesures. Afin d’améliorer d’améliorer la performance municipale et de répondre aux besoins des citoyens.
Les mesures proposées sont axées sur la nécessité de réformer la législation régissant les finances locales. Et ce, conformément aux exigences du nouveau système financier et de soutenir les capacités des collectivités locales. Ainsi que de reconsidérer la répartition des rôles et des responsabilités conformément aux principes communément reconnus de la décentralisation et l’autonomie locale et financière, dans le cadre d’une vision globale et d’objectifs précis mesurables et évaluables.
La réussite des communes à améliorer leurs performances dans divers aspects
Alors qu’il devient incontournable d’achever l’édifice et d’accélérer les réformes, la réussite des municipalités à relever les défis prouve leur capacité d’action malgré le manque de ressources et de moyens.
La conférence a ainsi inclus des exemples de communes qui ont réussi à améliorer leurs performances. Et ce, dans divers aspects de la gestion administrative et financière.
Pour la municipalité de Chrayaa Machreg Chams à Kasserine, elle a conjugué les efforts de ses responsables et ses agents. Afin de surmonter les difficultés dus à la faiblesse des ressources humaines. L’expérience de la municipalité de Djebel Oust du gouvernorat de Zaghouan est édifiante dans la maitrise de l’indicateur d’autonomie financière.
Le maire de Regueb, du gouvernorat de Sidi Bouzid, a parlé de l’engagement de la municipalité dans le partenariat de gouvernement ouvert. Ainsi que le bénéfice tiré de la consécration des principes de transparence, de responsabilité et de participation citoyenne.
Le représentant de la municipalité de Djerba Midoun du gouvernorat de Médenine a fait une présentation de l’utilisation des systèmes d’information géographique. Afin de développer les ressources communales. Le maire de Sfax a évoqué l’expérience de la municipalité dans le domaine de l’inventaire physique des biens. Tandis que la municipalité de Balta Bouaouane à Jendouba a dévoilé ses réussites. Et ce, dans la réalisation d’investissements municipaux à valeur ajoutée dans la région.
Il est à noter que ce 2ème rapport a été publié dans le numéro 27 du Journal officiel des collectivités locales du 5 avril 2022. Et ce, conformément aux exigences de l’article 62 de la loi organique n° 2018-29 du 9 mai 2018 portant Code de collectivités locales.