Peu d’indicateurs expriment la santé globale de l’économie mondiale. Aussi que les données du commerce mondial.
Soutenues par des transactions transfrontalières réelles, les données commerciales saisissent la demande de produits et de facteurs de production clés; tels que les biens de consommation physiques et les biens d’équipement. Ainsi que les intrants de base et les produits de base. Les données du commerce mondial sont donc très sensibles aux conditions macroéconomiques. Elles suivent, en fait, les cycles d’expansion et de contraction de l’économie.
Récemment, après l’effondrement brutal mais de courte durée de l’activité suite au déclenchement de la pandémie de Covid-19, le commerce mondial a fortement rebondi. En fait, selon le Bureau central de planification des Pays-Bas pour l’analyse de la politique économique (CPB NEPA), les volumes du commerce mondial ont augmenté de 30 % depuis l’ampleur de la grande récession pandémique, dépassant de loin les niveaux pré-pandémiques et atteignant confortablement des sommets historiques. Il est surprenant de constater que cette évolution s’est produite alors même que de graves blocages et contraintes de la chaîne d’approvisionnement dus à la pandémie persistaient dans certains segments clés, tels que la production de puces et la saturation des ports suite aux récents blocages en Chine.
Cependant, les données sur le volume du commerce mondial ont tendance à nous donner une image du passé récent plutôt que du présent ou de l’avenir proche. Les données CPB NEPA, par exemple, sont publiées avec un retard de trois mois, ce qui signifie que leur impression
récente reflète les volumes commerciaux de février 2022. C’est pourquoi nous préférons nous tourner vers des points de données alternatifs qui tendent à prédire les volumes d’échanges, plutôt que de les regarder à l’envers.
Selon nous, les indicateurs invoqués predisent que le commerce mondial serait fortement ralenti dans les prochains mois. Trois points principaux soutiennent notre analyse.
Tout d’abord, les données à haute fréquence des principales grandes économies (États-Unis, Union européenne et Japon) indiquent déjà un affaiblissement de la croissance du commerce mondial. Les enquêtes flash sur l’indice directeur d’achat (PMI) ont enregistré des mois consécutifs de ralentissement des nouvelles commandes à l’exportation des économies avancées. Et ce, en présentant une certaine dynamique de contraction pour la première fois depuis décembre 2020, lorsque la reprise après le choc de la pandémie a pris de l’ampleur. Cette évolution va de pair avec une décélération significative de la croissance du commerce chez les exportateurs asiatiques ayant fait l’objet d’une déclaration précoce (Corée du Sud, Taïwan, Singapour et Japon), qui ont tendance à être à la tête des échanges mondiaux, étant donné le rôle clé qu’ils jouent dans la chaîne d’approvisionnement des grandes multinationales. De tels mouvements indiquent un fort ralentissement du commerce mondial global.
Ensuite, les attentes des investisseurs concernant les bénéfices futurs du secteur des transports, un indicateur avancé clé de la croissance future du commerce mondial, avaient également avaient fait état d’une faiblesse de la demande de biens physiques. L’indice Dow Jones Transportation Average, un indice boursier composé de compagnies aériennes, de transport routier , de transport maritime, de chemins de fer et de sociétés de livraison, dont la performance devance d’environ 3 mois les exportations mondiales, a enregistré un pic en Mars de l’année dernière et n’a cessé de décliner depuis. L’indice signale non seulement un ralentissement significatif de la croissance, mais aussi une contraction du commerce mondial au cours des prochains mois.
Enfin, des facteurs structurels indiquent également un affaiblissement plus persistant de la demande de biens de consommation. La croissance des échanges au cours de la reprise mondiale a été tirée. Et ce, par une demande exceptionnelle de biens physiques pendant la pandémie. Cette situation est due aux mesures de relance et à un changement temporaire des habitudes de consommation au détriment des services, les mesures de distanciation sociale ayant limité les activités en face à face et l’économie des services. En outre, après la « réouverture » de la plupart des grandes économies, l’effet de la pandémie s’étant estompé, le commerce a également été soutenu par la nécessité de reconstituer des stocks peu élevés. Mais tous ces facteurs commencent déjà à s’inverser, dans un
mouvement qui va probablement s’accélérer au second semestre de cette année. La forte reprise économique et le succès des campagnes de vaccination de masse ont entraîné le retrait des mesures de relance. Ainsi que le rééquilibrage des dépenses en faveur des services. La demande de biens physiques, tels que les appareils électroniques et les équipements pour la construction de logements, a été « tirée vers l’avant » ou anticipée dans le temps pendant la pandémie, ce qui signifie qu’il y aura probablement une longue période de baisse de la demande pour ces biens dans un avenir proche. Les niveaux de stocks se normalisent également rapidement dans tous les secteurs. Avec la diminution des dépenses en biens de consommation et en biens d’équipement et l’accumulation des stocks, le ralentissement actuel du commerce mondial devrait encore s’accentuer.
Dans l’ensemble, les volumes du commerce mondial ont déjà atteint un pic pour ce cycle et devraient se détériorer considérablement à court et moyen terme. Il s’agit d’une indication supplémentaire de l’environnement macroéconomique difficile à venir, alors que les perspectives de croissance mondiale s’assombrissent.