En déclarant dans un entretien accordé hier lundi à l’AFP, son intention de « gommer » l’article 1 de l’actuelle Constitution « dans sa formule actuelle », le coordinateur de Commission nationale consultative pour une nouvelle République, Sadok Belaïd a lancé un pavé dans la mare.
Décidemment, nous vivons dans un pays où le système marche sur la tête. Ainsi, les Tunisiens voterons le 25 juillet prochain par oui ou par non à la question « Approuvez-vous le projet de la nouvelle Constitution de la République tunisienne? » Alors que le texte de la nouvelle Constitution ne sera pas publié avant le 30 juin. Cette courte durée donne la troublante impression que le processus est bâclé. Puisque, à titre d’exemple, la Constitution du 26 janvier 2014 fut adoptée par l’Assemblée constituante élue le 23 octobre 2011; soit presque trois longues années après. Heureusement, l’éminent juriste Sadok Belaïd, nommé président coordinateur de la Commission nationale consultative pour une nouvelle République par Kaïs Saïed, vient de lever une partie du voile sur le projet du nouveau texte fondateur, le troisième depuis l’indépendance.
Du travail bâclé
« La mission principale de la commission consiste à élaborer le projet de la nouvelle Constitution. Le président de la République peut charger ladite commission d’autres missions consultatives après l’élaboration du projet de la Constitution ». Ainsi précisait-il hier lundi sur Express FM. En affirmant que le président de la République l’a tout simplement chargé de préparer un projet de Constitution. Et ce, dans un délai qui ne dépasse pas le 15 juin.
Or, révèle l’ancien doyen, « rédiger une Constitution qui répond aux défis des 50 prochaines années, et ce dans les dix jours qui viennent, est une mission impossible. Je l’ai acceptée puisqu’il s’agit d’une question vitale pour le pays. Car la constitution est le pivot de tout l’édifice juridique et institutionnel dans le pays ».
« La prochaine Constitution sera économique. Et ce, contrairement à la Constitution de 2014 qui était politisée. Les personnes convoquées pour faire partie de la commission consultative se devaient de présenter sous 72 heures une vision sur le développement économique et social du pays ». C’est encore ce qu’il a rajouté.
Pour rappel, lors de la réunion inaugurale du Comité des affaires sociales et économiques de la commission consultative samedi dernier à Dar Dhiafa, le doyen Sadok Belaïd a invité les personnalités présentes à lui soumettre leur vision pour la Tunisie dans 40 ans. Ainsi que les moyens de traduire cette perspective au sein de la prochaine Constitution.
« Je vous demande de rédiger une page pour présenter votre vision et votre philosophie pour la Tunisie dans 40 ans. Et une autre page pour expliquer comment cette vision pourrait être traduite au niveau de la Constitution. Cependant, j’ai une condition impérative: vous avez 72 heures, soit jusqu’au mardi soir; et ce, pour présenter vos propositions. Celui qui soumet son rendu, tant mieux. Sinon, je considère qu’il s’est retenu de le faire », indique Sadok Belaïd.
Assurant que le chef de l’Etat ne lui avait donné « aucune consigne » quant au contenu de la nouvelle constitution. Il a indiqué au micro de Wassim Ben Larbi dans l’émission Expresso que le projet de la nouvelle Constitution ferait à peu près une dizaine de pages, soit 150 articles d’une ligne et demi chacun environ.
La bombe que lâche Sadok Belaïd
D’autre part, l’ancien doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis lançait une vraie bombe hier lundi. Et ce, en clamant haut et fort qu’il présenterait au chef de l’Etat un projet de charte « expurgée de toute référence à l’islam ». Afin de « combattre les partis d’inspiration islamiste comme Ennahdha ».
« 80% des Tunisiens sont contre l’extrémisme et contre l’utilisation de la religion à des fins politiques. C’est précisément ce que nous allons faire tout simplement en gommant l’article 1 dans sa formule actuelle ». Voilà ce qu’annonçait le juriste, hier lundi 6 juin, dans un entretien à l’AFP. Ajoutant « qu’il y a possibilité que l’on efface l’article 1er dans sa version actuelle. Nous pouvons nous passer de mentionner une quelconque religion ».
Sachant que le fameux premier article de la Constitution actuelle, tout comme la Charte de 1959, stipule que la Tunisie « est un Etat libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ».
Trahisons et mains sales
« Nous avons des partis politiques qui ont les mains sales. Et bien que vous le veuillez ou non messieurs les démocrates français ou européens, nous n’accepterons pas dans notre démocratie des gens sales », a-t-il encore affirmé, sur un ton provocateur.
Car, a poursuivi celui qui avait le chef de l’Etat comme étudiant, « Ennahdha et d’autres partis sont les suppôts de plusieurs forces, puissances, États ou mini-États étrangers qui ont beaucoup d’argent qu’ils veulent dépenser comme ils veulent et qu’ils utilisent pour intervenir dans les affaires du pays ». Et de conclure: « Cela, c’est de la trahison ».
Le doyen exprime-t-il fidèlement les orientations de l’actuel locataire du palais de Carthage ? Si c’était le cas, ce serait la guerre ouverte, à mort et sans merci avec le dernier survivant de l’islam politique, Ennahdha. Jusqu’à ce que l’un des belligérants plie le genou.