Alors que l’Etat compte s’orienter vers la rationalisation de sa stratégie de compensation, plusieurs questions sont légitimement posées. Un sentiment d’inquiétude commence à se faire une place chez les tunisiens qui ont vu leur pouvoir d’achat s’effondrer ces derniers mois.
Bien que les responsables insistent que les mesures envisagées ne toucheront les ménages, la réalité sera autre. Pour le Gouvernement, il est en train de subventionner des matières de base dont l’essentiel est consommé par des professionnels et confisqué par des contrebandiers qui jouent sur le différentiel des prix avec les pays voisins.
En partie, ce n’est pas faux. Toutefois, les subventions accompagnent chacun de nous tout au long de la journée. Lorsque nous déjeunons dans un restaurant, même populaire, il suffit de penser aux ingrédients de chaque plat pour constater qu’il est vendu à quelques dinars grâce aux compensations. Cela tout en tenant compte que ces restaurants emploient une main d’œuvre clandestine et ne supportent que rarement des charges sociales.
Maintenant, si l’huile végétale, le pain, la semoule, la farine, les pâtes, le couscous et le lait sont commercialisés aux prix réels, que coûterait un sandwich ?
Celui qui est vendu aujourd’hui à 5 dinars, coûtera désormais facilement 7 ou 8 dinars. Il faudra aussi considérer les nouveaux prix de l’électricité, du transport et des services annexes. Pour un parent, l’argent de poche mensuel de son enfant qui ne retrouve pas la maison familiale à midi risque de frôler le SMIG ! La consommation hors foyer risque de devenir un luxe et qui ne peut, en aucun cas, être pris en charge par l’Etat.
Gain budgétaire concret
Le nombre des bénéficiaires doit être le plus large possible pour éviter une chute libre dans la qualité de vie des tunisiens. Dans ce cas, la facture risque d’être plus salée pour l’Etat.
Faisons un petit exercice de calcul. Si nous considérons que les transferts monétaires vont s’orienter vers les ménages en situation de vulnérabilité, et qui sont de 900 000 selon les chiffres officiels.
L’enveloppe budgétaire consacrée à la compensation pour 2022 s’élève à 7 262 MTND. Ainsi, la subvention annuelle moyenne par foyer est de 8 068 TND. Si nous considérons que le nombre total des ménages en Tunisie s’élève à 3 000 000, la subvention annuelle moyenne est de 2 420 TND.
Dans tous les cas, les transferts monétaires ne pourront pas atteindre ce montant. Si le Gouvernement verse 100 TND mensuellement par ménage, il pourra diviser sa facture par deux.
Il est donc possible de continuer à compenser tous les tunisiens, mais dans le périmètre strict de la consommation au sein du ménages. Tout ce qui est extra-muros sera supporté par les familles.
Mais est-ce que cette pilule sera facilement avalée par la population ? C’est assez difficile car pour une génération qui vit de plus en plus en dehors des foyers, c’est un coup dur. A terme, l’impact social sera profond et il mérite d’être analysé dès aujourd’hui.