Le bras de fer semble lancé d’une manière irréversible entre la présidence de la République et le Gouvernement, d’un côté, et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), de l’autre.
Or, si les dirigeants de l’UGTT s’affichent à visage découvert, à commencer par son secrétaire général, Noureddine Tabboubi et son porte-parole officiel, Sami Tahri, il n’en est pas de même pour le pouvoir exécutif.
D’un côté, La Kasbah suit la politique de l’autruche et du black-out, désormais, habituel et, de l’autre, l’approche de la confrontation par procuration dans le sens où le chef de l’Etat n’a jamais adressé le moindre message direct à la Centrale syndicale, mais ses partisans se sont, systématiquement, impliqués par des déclarations et des messages incendiaires prônant la menace et le langage musclé.
Les partisans du Chef de l’État tout horizon confondu hommes de lois chroniqueur, veulent faire croire qu’ils sont dans les secrets des dieux et qu’ils sont autorisés à parler au nom du président de la République en appelant à « remettre au pas l’UGTT » à lui ôter ses acquis dont notamment le droit au détachement et au prélèvement du « 1% » !
Sans parler des pages sur les réseaux sociaux qui dénigrent par des procédés des plus sales l’organisation la plus prestigieuse et jugée une des plus patriotiques du pays.
Et si on y ajoute les révélations faites par certains juges révoqués, plus précisément, le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), parlant « d’ingérence et de pressions exercées par la ministre de la Justice sur la présidente de la Cour d’Appel de Tunis afin de faire en sorte que l’affaire du congrès de l’UGTT soit désignée dans une chambre bien déterminée en vue d’obtenir une décision définitive annulant la tenue du congrès de l’Union, déjà organisé … ».
Qui aurait voulu mettre le siège de la Centrale syndicale sous scellés ?
Bien entendu, face à ces révélations, l’opinion publique n’a eu aucune réponse concrète, à part un communiqué du ministère de la Justice contenant, uniquement, des menaces envers les juges grévistes et tous ceux qui font propager des informations infondées… ».
D’autres mauvaises langues sont allées jusqu’à dire qu’il y a eu des tentatives pour « placer l’UGTT dans une situation d’illégalité et illégitime ce qui aurait permis de mettre sous scellés son siège à l’instar de ce qui a été fait avec celui du Parlement… ».
Ainsi, Noureddine Tabboubi a multiplié les déclarations confirmant, et à moins d’un revirement miraculeux de situation, l’atteinte du point de non-retour entre les deux parties. « Le dialogue, on n’y pense même plus, nous sommes concentrés sur les préparatifs et la réussite du débrayage du 16 juin 2022 », a t-il affirmé en substance.
Pourtant, le premier soutien direct et franc au processus du 25 juillet n’était autre que la Centrale syndicale qui a, surtout, fustigé la décennie des ruines causée par Ennahdha et ses « valets ». Mais depuis, que d’eau a coulé sous les ponts dans le sens le rapprochement entre l’UGTT et le Palais de Carthage s’est évaporé pour laisser la place à la discorde.
Il faut dire qu’au départ, le président de la République a essayé, par des subterfuges de façade d’amadouer l’UGTT sans offrir rien de concret en contrepartie, mais les syndicalistes ont compris le stratagème et ont refusé de lui signer un « chèque en blanc ».
La date du 16 juin 2022 s’annonce déterminante, voire historique !
Car le chef de l’Etat veut des soutiens du genre de ceux apportés par le Bâtonnier, Brahim Bouderbala, le juriste Amine Mahfoudh, le Doyen Sadok Belaïd, la présidente de l’UNFT, Radhia Jerbi, Lotfi Dziri, Imed Hammami et on en passe…
L’origine de cette mésentente est imputée, selon les observateurs, à l’attitude du chef de l’Etat qui, petit à petit, a fait dévoiler ses véritables intentions d’exploiter l’euphorie et l’élan suscités par l’annonce du 25 juillet pour concrétiser son projet personnel à savoir la mise en place d’un régime présidentiel où il n’y a aucune place pour les « autres » : ni partis politiques, ni parlement, ni société civile, ni organisations nationales, ni instances, ni magistrature, ni économie, ni finances… Bref, le vide.
Qui a entendu, un seul instant, Kaïs Saïed évoquer l’économie ou les finances ? Qui a entendu Kaïs Saïed parler d’une manière concise pour exposer le clair de sa pensée. Il s’est, souvent pour ne pas dire toujours, exprimé par des sous-entendus et des ballons d’essai et laissé la place à ses « fans » parmi les responsables des coordinations et autres analystes sur les plateaux, pour procéder aux supputations, aux hypothèses et aux devinettes quant à ses vraies idées et intentions.
Puis, une fois bien distingué les orientations et les réactions, il annonce ses décisions, généralement, dans les limites des délais et, surtout, juste avant minuit et les rendre publiques illico presto sur le JORT.
Or, l’UGTT, a toujours préféré la transparence et la franchise tout en refusant le suivisme ou la soumissions aux faits accomplis. Et après avoir tout essayé pour la convaincre de cette approche présidentielle, l’armada des « explicateurs » et admin de pages facebookiennes sans oublier les pseudo-chroniqueurs pour finir le « boulot et la besogne » en matière de dénigrement et de diffamation des opposant au projet de leur boss.
Les insinuations pernicieuses d’un chroniqueur dans les « secrets des dieux »
Et à ce titre, un chroniqueur agit- prop détient la triste palme d’or dans le sens où il s’illustre, ces derniers temps, par ses piques gratuites et infondées à l’encontre d’une organisation aussi patriotique que celle de l’UGTT. C’est à croire qu’il a oublié ses tirades de défense acharnée en faveur de l’ancienne cheffe de cabinet présidentiel, Nadia Akacha, notamment lors du fameux épisode de la lettre empoisonnée dont il était le premier à confirmer la thèse avec force détails.
C’est dire que les propos de ce chroniqueur ne sont pas crédibles même s’il veut faire croire le contraire car il tire sa force juste parce qu’il joue sur cet amalgame faisant croire qu’il parle, généralement et officieusement, au nom des décideurs à Carthage. Avant, il se faisait passer, sans le dire, qu’il est le « confident » de Nadia Akacha. Et maintenant que cette dernière n’est plus là, d’où tire t-il sa force et sa notoriété ?
Et quand il parle, en s’adressant en direct sur antenne au S.G. adjoint de la Centrale syndicale, de « données » concernant d’éventuelles infiltrations nahdhaouies le jour de la grève pour semer des troubles, on se demande, logiquement, s’il dit cela pour donner des conseils à l’UGTT ou si c’est une manière pernicieuse de lui faire assumer la responsabilité de probables dérapages
Pour revenir à nos préoccupations, nous sommes enclins à dire que personne ne peut prévoir les conséquences la grève générale, mais s’il y a l’avant 16 juin, il y aura, probablement et sûrement, l’après 16 juin 2022. Gardons la main sur le cœur !