Aux Grands noms, la nation se doit d’être reconnaissante. Elle ne l’a pas toujours été ou, au mieux, pas assez. Nous en avons, tout au long de notre histoire, payé un lourd tribut. L’ingratitude des nations se paie au prix fort. Le rappel nous vient du pays du Soleil levant. Qui vient d’élever l’ancien Premier ministre tunisien sous Ben Ali au rang de grande dignité mondiale.
Le gouvernement japonais vient de le décorer de « l’Ordre du Soleil levant japonais ». Suprême reconnaissance de ses grandes qualités d’homme d’État. « Qui a tant œuvré, en son temps, pour renforcer les relations tuniso-japonaises ». Il avait vu venir, dès les années 90, le nouveau monde quand il officiait déjà comme ministre de la Coopération et des Investissements étrangers, qu’il avait créé ex nihilo, avec peu de moyens, très peu d’effectifs et une inébranlable ambition.
Il avait forgé sa propre boîte à outils pour aller à la rencontre du monde qui arrivait. Il avait dû changer à la fois de braquet et infléchir notre propre orbite géostratégique. Il s’était employé, à force d’intelligence collective, à entretenir cette dérive des continents après qu’il fut nommé Premier ministre, à l’orée du 21ème siècle. Il s’était mis, avec la conviction qui était la sienne, au service de l’État et du pays, dans la tradition des grands commis et serviteurs de la nation. C’est ce qui ressortait des propos tenus par l’Ambassadeur du Japon à l’occasion d’une cérémonie d’une grande intimité, à laquelle a été convié le premier cercle qui lui partageait sa vision d’avenir et son projet économique.
En réponse, Mohamed Ghannouchi, avec l’humilité et la discrétion qu’on lui connaît, a dit toute sa fierté de voir le pays à ce point honoré. Et formulé le vœu, sinon exhorté les autorités japonaises, qu’il tient en très haute estime, de creuser davantage les sillons d’une coopération de son temps, rénovée, renforcée et exemplaire, fondée sur les nouvelles technologies, la R-D, les énergies renouvelables, bref, sur les foyers de la croissance de demain.
Du Mohamed Ghannouchi à l’état pur, nullement altéré par le poids des années et les vicissitudes de l’époque, avec pour seul horizon, le futur du pays. Émouvant d’un côté comme de l’autre de sincérité, de force morale, d’engagement et de désir d’avenir.
Article paru dans le numéro de l’Economiste Maghrébin n 846 du 8 au 22 juin 2022