Nous avons estimé qu’il y avait urgence de focaliser notre réflexion et nos débats sur « Les difficultés économiques liées aux transitions écologique et énergétique ». Bien avant que ne se déclenche le conflit russo-ukrainien qu’on ne voyait pas venir.
La suite des événements survenus depuis a validé la pertinence de notre choix. Notre sécurité énergétique, notre souveraineté alimentaire, la paix sociale ; bref, en un mot, notre sécurité est aujourd’hui l’objet d’une vaste interrogation nationale. La transition écologique et énergétique, enjeu majeur du 21ème siècle pour faire face au dérèglement climatique, à la montée des inégalités, à la dégradation de l’environnement et à l’épuisement des ressources naturelles, prend aujourd’hui avec l’explosion des cours du baril et des céréales une tout autre ampleur.
La Tunisie s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et même 2050 afin de maintenir la hausse de température moyenne de la planète sous les 2°C. Autant par souci interne, moderne et stratégique que pour des considérations universelles. Et pour cause ! Les conséquences du réchauffement climatique se lisent déjà dans les statistiques fortement déséquilibrées de notre balance énergétique et alimentaire.
Cette transition est incontournable. Elle relève même d’une obligation absolue pour nos entreprises qui doivent faire face d’ici 2023-25 à la mise en place d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Qui se prépare à taxer certaines importations (ciment, engrais) en fonction des émissions de CO2 liées à leur production.
Cette taxe est assimilée à un droit de douane pour éviter toute concurrence déloyale. Elle a aussi et surtout pour effet de durcir les conditions de délocalisation d’entreprises européennes vers les pays aux normes environnementales plus lâches et plus permissives.
L’heure de la transition écologique a déjà sonné. Pourtant, le pays tarde à implémenter les énergies renouvelables alors qu’il était en avance par rapport à d’autres. Et qu’il dispose d’un énorme potentiel en matière d’énergie solaire. S’il était passé à l’action comme il s’y était déjà engagé dès les années 80, on n’en serait pas à souffrir aujourd’hui de sécheresse prononcée, de pénurie d’énergie, d’eau et de céréales.
Le paradoxe est qu’il aurait même pu changer de statut, de pays importateur d’énergie à celui de pays exportateur d’énergie propre. Les effets de la guerre russo-ukrainienne auront été tout autres que de ralentir la croissance, d’accentuer notre dépendance énergétique et alimentaire et de mettre en danger la paix sociale à cause de l’explosion des prix.
Nous avons, hélas, laissé passer le train de la transition énergétique faute de vision, de planification écologique, de politiques publique et sectorielle dédiées à cet effet. On comprend qu’il faille changer de braquet et de direction. C’est à dessein que nous avons intitulé le premier panel : Transition énergétique, de l’ambition à l’action. Vaste programme.
Cette transition est d’autant plus impérative que nos réserves fossiles, gaz et pétrole, s’épuisent et ne couvrent désormais qu’une faible partie de nos besoins.
Le pays souffre de stress hydrique et a davantage besoin d’énergie à prix convenable pour préserver notre approvisionnement en eau et notre compétitivité industrielle. La pérennité de l’agriculture, le développement de l’industrie et des villes en dépendent.
Problème : cette transition énergétique, un des volets majeurs de la transition écologique, a un coût. On l’estime pour la décennie 2020 à plus de 19 milliards de dollars. L’État tunisien mettra dans la balance quelque 5 milliards pour un financement extérieur de près de 14 milliards de dollars. Qu’il va falloir mobiliser.
Il doit, de surcroît, faire face aux dépenses d’éducation, de santé, d’infrastructure. Sans compter les besoins en investissements privés.
Le pays le pourrait-il alors qu’il croule sous les déficits et la dette publique devenus insoutenables.
C’est dans cette optique que s’inscrit le deuxième panel : Investissement et finance verte, au motif de mettre en perspective les sources de financement de la transition énergétique en explorant les possibilités et opportunités offertes par la fiscalité, la finance verte et bien d’autres mécanismes de financement.
On le disait d’entrée : avec l’épuisement de nos réserves de pétrole et de gaz, les énergies fossiles sont de plus en plus coûteuses et difficiles à exploiter. Elles constituent un frein à la croissance.
En développant les énergies propres, plus accessibles, comme l’énergie solaire, il est possible de repenser notre modèle de production et de consommation, de relancer la croissance, aujourd’hui en berne, d’améliorer l’efficacité énergétique par la création d’emplois dans des secteurs nouveaux et avec de nouvelles technologies.
La croissance verte, c’est d’une certaine manière transformer les obstacles et défis en avantages comparatifs.
C’est à dessein que le 3ème panel abordera la question de l’innovation et la technologie au service de la transition, afin d’apporter des réponses aux interrogations qui se font jour.
Au final, trois questions majeures auxquelles il faut apporter des solutions et proposer des voies d’issue dans l’urgence. La transition énergétique n’est plus une option, c’est une impérieuse nécessité. Il y va de notre souveraineté alimentaire et de notre sécurité énergétique. L’heure de la transition écologique et énergétique a plus que jamais sonné.
Nous avons perdu beaucoup de temps, victimes de notre immobilisme. Les dix dernières années n’étaient pas propices à l’action, en dépit d’une débauche de promesses d’un avenir radieux et meilleur.
Tout n’est pas perdu pour autant, pour nous comme pour la planète. Mais il nous faut agir vite et dans l’urgence en nous libérant de la dictature du très court terme dont on a fait notre religion. Il nous faut rectifier notre trajectoire et regarder loin, ensemble : État, entreprises et citoyens. Demain, il sera trop tard.
D’ici là, un grand merci à tous. Merci à nos sponsors et notre partenaire, la Fondation Friedrich Naumann pour la Liberté, sans lesquels le Forum de l’Économiste Maghrébin ne serait pas ce qu’il est.