Dans ce terrible bras de fer entre la puissante centrale syndicale et le gouvernement de Najla Bouden, il n’y a qu’un un seul perdant. La Tunisie, de plus en plus divisée et dont l’économie et les finances sont en guenilles. Alors que la grève générale est décrétée.
Le trafic terrestre et ferroviaire paralysé; l’espace aérien fermé à partir de minuit ce soir et jusqu’à zéro heure demain. Les avions cloués au sol en pleine saison touristique. Jusqu’au bout de la nuit, les regards étaient tournés vers le palais de Carthage dans l’espoir qu’un miracle se produise à la dernière minute. Les deux parties finissant par s’entendre avant la date fatidique de la grève du jeudi 16 juin 2022 à zéro heure. Mais douche froide, la logique de la confrontation a prévalu sur celle de la sagesse.
A qui la faute ?
A la partie gouvernementale qui aura opposé une fin de non-recevoir aux revendications de la Centrale syndicale, arguant que les caisses de l’Etat sont quasi-vides? Ou aux dirigeants de la place Mohamed Ali qui ont maintenu la grève générale dans le secteur public. Sachant que dans le contexte actuel où à chaque jour suffit à sa peine, où les fonctionnaires ne sont pas sûrs de percevoir leurs salaires de fin de mois, la cheffe du gouvernement Najla Bouden ne peut pas donner ce qu’elle n’a pas?
Cette grève intervient au mauvais timing
C’est l’impasse. Car, la centrale syndicale est dans son rôle. Elle a beau affirmer que cette grève n’est pas politique, qu’elle répond aux attentes de plus de 700 000 salariés et de leurs familles qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts eu égard à l’inflation insoutenable et à la dégradation vertigineuse du pouvoir d’achat. Mais est-ce vraiment le timing parfait pour décréter cette grève générale? Alors même que nous sommes en pleines négociations avec les bailleurs de fonds, à la recherche d’une bouffée d’oxygène pour se maintenir la tête hors de l’eau?
Le gouvernement dos au mur
Pour sa part, le gouvernement peut-il satisfaire toutes les revendications estimées à 1000 millions de dinars selon le porte-parole du gouvernement, Nasreddine Nsibi. Notamment les accords signés par les gouvernements précédents qui lui ont refilé la patate chaude au non du sacro-saint principe de la continuité de l’Etat? Non, parce que, outre la situation désastreuse des finances, le gouvernement est dans le point de mire du FMI. Lequel exige l’application d’un programme de réformes extrêmement douloureuses pour les Tunisiens. Alors de quelle marge dispose Mme Najla Bouden? Tout au plus gagner du temps. Mais même le temps lui est compté.
A qui profite le pourrissement de la situation?
A moins que la partie gouvernementale ne joue le pourrissement de la situation pour faire porter le chapeau à l’organisation ouvrière. C’est du moins la thèse avancée par le SG-adjoint de l’UGTT, Sami Tahri. Puisqu’il a indiqué, que le gouvernement « aurait dû préserver la paix sociale et respecter ses engagements envers ses partenaires sociaux pour être crédible devant les institutions financières internationales ». Il s’exprimait ainsi, hier mercredi 15 juin 2022 au micro d’Elyes Gharbi sur Mosaïque FM.
« Nous avons évoqué la grève générale en mars dernier. Nous avons laissé du temps au gouvernement pour prendre ses dispositions, mais il n’a pas bougé. La première réunion a eu lieu le 13 juin pour vous dire. Des parties veulent clairement que cette grève ait lieu et poussent vers cela. En entravant toutes les démarches menant à des solutions ». Ainsi, martèle le responsable syndical.
La preuve? « Lors de la réunion avec le gouvernement, il a été décidé d’annuler la circulaire n°20. Mais à cause d’un coup de fil, cette décision a été annulée ». Suivez mon regard. Et de conclure: « Ce n’est qu’un exemple, parmi d’autres, qui démontre qu’il y a des parties au sein du gouvernement qui ne veulent pas que des solutions soient trouvées ni que la situation change ».
Notons que dans ce bras de fer infernal, la centrale syndicale compte sur sa capacité de mobilisation. Et ce, pour démontrer qu’elle demeure un acteur insubmersible et incontournable dans l’échiquier politique en Tunisie. Alors que le gouvernement dégaine l’arme des réquisitions pour faire fonctionner un service minima. Essayant de contrecarrer ainsi les effets de la grève générale. Une mesure qui serait « illégale et inconstitutionnelle» aux yeux de Sami Tahri. En effet, elle rappelle « les pires heures du clash de janvier 1978 de l’institution syndicale avec l’Etat de Bourguiba ».
Pertes directes et indirectes considérables
Mais au-delà des arguments des uns et des autres, la grève a lieu dans 159 institutions et établissements publics dont les entreprises de transport terrestres, maritimes et aériens (Transtu, SNCFT, Tunisair, les aéroports, les ports, CTN, etc.), la STEG, la SONEDE, Tunisie Telecom, l’ONAS, la CNAM, la CNRPS, la CNSS, la Pharmacie centrale, l’Agence TAP, la Radio nationale, la Télévision tunisienne, la Compagnie des Phosphates de Gafsa,… Et les pertes directes sont estimées par certains experts à plus de 200 millions de dinars. Sans compter les pertes indirectes qui résulteront de l’instabilité du climat des affaires et de l’investissement.
Des chiffres qui font froid dans le dos.