Il est 9h devant le siège provisoire de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), à la rue des Etats-Unis à Tunis. L’ambiance syndicale et engagée domine les lieux: les étendards de la centrale syndicale sont brandis tout au long de la rue; le chant officiel de l’UGTT retentit à plusieurs reprises; et le mégaphone pousse une série de chansons qui rappellent l’engagement politique et la résistance à l’injustice et au pouvoir en place.
D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les affiliées de l’UGTT ressentent cette ambiance et mobilisation. Car, quand l’UGTT lance un appel à la grève générale, ses affiliés ne peuvent que répondre présents. Et venir en masse devant les sièges des sections régionales de l’UGTT des 24 gouvernorats de Tunisie. En ayant comme seule arme des slogans hostiles au néolibéralisme, au capitalisme et au pouvoir en place. Lesquels ne « cessent des les exploiter et ne tiennent pas leurs promesses ».
Pour cette raison, la centrale syndicale qui représente le plus la classe ouvrière en Tunisie observe aujourd’hui 16 juin une grève générale dans tout le secteur public qui regroupe 159 entreprises publiques. Et ce, après l’échec des négociations entre une délégation de l’UGTT et une délégation gouvernementale. De ce fait, les gardiens de la « citadelle de Hached », comme se plaisent les syndicalistes à être nommés, « ont été obligé d’observer la grève ».
Ainsi, même le transport public, maritime et terrestre n’ont pas été épargnés par cette grève. D’ailleurs, faute de transport, nous avons accédé difficilement au lieu de l’Assemblée générale.
A cet égard, le secrétaire général adjoint et porte-parole de l’UGTT avait auparavant affirmé qu’observer la grève n’est pas une fin en soi. Pour lui, c’est le dernier recours après l’échec des négociations. Surtout quand il s’agit de conventions et procès-verbaux signés auparavant.
Une chose est sûre la centrale syndicale ne déroge pas à la logique de confrontation avec le pouvoir en place depuis l’époque du premier président de la République Habib Bourguiba. D’ailleurs, la grève générale, pour l’UGTT, est une arme dont l’utilisation ne date pas d’hier, une arme orientée politiques auparavant: notamment en 1978,1984 et 2013.
Lors d’une conférence de presse tenue précédemment, Sami Tahri affirmait que la grève du 16 juin n’avait aucun caractère politique. Pourtant, « nous n’avons aucune honte à observer une grève politique, nous l’avons déjà faite », poursuivait-il.
En outre, la grève est déjà motivée par plusieurs raisons: l’annulation de la « circulaire 20 », empêchant les ministres ou directeurs d’entreprises et d’institutions publiques d’entamer des négociations syndicales sans l’accord préalable du gouvernement; l’ouverture d’un nouveau round de négociations sociales au titre des années 2021,2022 et 2023; l’application de procès-verbaux signés auparavant qui traine encore; et la préparation de statut pour des catégories de salariés du secteur public. Autre pomme de discorde, le gouvernement et l’UGTT n’ont pas la même conception des réformes.
Pour le secrétaire général de l’UGTT Noureddine Taboubi, qui a improvisé un discours aujourd’hui à l’occasion de la grève générale, le gouvernement mise sur l’austérité et « les dictats du FMI ». Ainsi, il veut toucher aux salariés qui sont le maillon faible. D’ailleurs, il appelle le gouvernement à dire toute la vérité concernant le programme de réformes qu’il a soumis au Fonds monétaire international. Tout en affirmant que la centrale syndicale est toujours une force de suggestion, il annonce que le département des études relevant de l’UGTT tiendra une conférence de presse pour exposer ses réformes politiques et socio-économiques.
Puis, faisant allusion au mouvement Ennahdha, il affirme que le dénigrement de l’UGTT n’aura aucun effet sur la volonté inflexible des syndicalistes. Et de critiquer les économistes qui « diabolisent le secteur public. Tout en faisant semblant que l’Etat ne paye pas ses engagements pour les entreprises publiques ».
Les cris et les slogans ne manquaient pas de scander et rythmer le discours de Taboubi, enthousiasmant une foule venue revendiquer ses droits socio-économiques.
« Je suis d’une formation politique hostile à l’UGTT, mais j’ai répondu à l’appel à la grève pour défendre mon pouvoir d’achat ». Voici une déclaration d’un fonctionnaire présent sur place. Ainsi, il semble que l’UGTT a pu mobiliser toutes les tendances idéologiques contre un gouvernement qui évolue dans le sillage du FMI. La preuve en est que les partis politiques membres de la campagne nationale contre le référendum ont publié aujourd’hui un communiqué dans lequel ils affirment leur soutien à la grève de l’UGTT.