En Tunisie, les subventions à l’énergie représentent 58% des dépenses de développement, 13% du budget et 3,7% du PIB. La crise ukrainienne a aggravé la situation en augmentant les besoins en subventions pour l’année de 1265 à 2495 MD pour les produits pétroliers et de 1620 à 3425 MD pour l’électricité et le gaz naturel. En 2021, le déficit énergétique s’est aggravé de 48% contre 10% en 2010. En revanche, la consommation énergétique a presque doublé en l’espace de 10 ans avec un recours à l’importation.
Malgré cette situation, le mix énergétique est encore peu diversifié. La production d’électricité à partir des énergies renouvelables ne dépasse pas les 3,7% alors que le pays ambitionne l’intégration de 35% à partir des énergies renouvelables dans le mix électrique à l’horizon 2030, soit l’équivalent d’une capacité additionnelle d’environ 4300 MW. Ce qui nécessite la réalisation d’environ 500MW par an sur les huit prochaines années avec un investissement annuel de plus d’un milliard de dinars.
Toutefois, ces objectifs ambitieux sont confrontés à plusieurs difficultés d’ordre foncier comme la difficulté d’obtention d’autorisation sur les terrains agricoles. Une autre difficulté est aussi liée au financement des projets. De nombreux investisseurs ont demandé une lettre de confort pour faciliter le processus de financement. Aujourd’hui, les délais pour l’obtention de l’accord du ministère dépassent généralement les trois mois.
« La Tunisie a perdu beaucoup de temps en matière d’énergies renouvelables. Les effets régulateurs n’étaient pas au diapason de l’évolution des prix du pétrole à l’échelle internationale. Aujourd’hui, on n’a pas le choix. Le cadre réglementaire en place n’a pas aidé à accélérer la production énergétique, ce qui a aggravé le déficit énergétique. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver l’équilibre qui permet au citoyen d’être digne et à l’entreprise d’être compétitive. Le développement des énergies renouvelables est une obligation», a affirmé récemment la ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Neila Gonji, dans une déclaration aux médias.
Comment rattraper le retard et accélérer la transition énergétique ?
Pour faire face aux difficultés, l’Etat tunisien prévoit la promulgation d’un décret-loi pour permettre l’exploitation des terrains agricoles pour les projets Ers ainsi que la promulgation d’un autre décret-loi pour supprimer les autorisations pour les petits projets et l’allègement de la procédure pour les moyens et grands projets.
Le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie a mis en place un programme national pour la production d’électricité à partir des énergies renouvelables s’étalant sur la période 2022-2025. Des appels d’offres pour la production de 2000 MW en concession seront publiés durant le mois de juin en cours.
Ce programme national prévoit un investissement total estimé à 3 milliards de dollars. Ces investissements sont répartis sur l’ensemble du pays, notamment dans les zones défavorisées. Le même programme permettra aussi de créer plus de 1000 emplois permanents et 2000 emplois annuels indirects pendant la période de réalisation sur cinq ans.
« Des appels d’offres pour la production de 2000 MW en concession seront publiés durant le mois de juin en cours »
S’agissant de la vente d’électricité, ce programme prévoit un tarif moyen de 100 millimes pour le kilowatt/heure par rapport au coût de production d’électricité à partir du gaz naturel de l’ordre de 200 millimes pour le kilowatt/heure. Le programme vise aussi la réduction de l’importation d’un million de tonnes de gaz naturel par an, soit une réduction de 30% des importations de gaz. L’objectif consiste aussi à éviter des coûts de production à partir du gaz naturel d’environ 600 millions de dinars par an, soit l’équivalent de 200 millions de dollars par an.
Dans le cadre d’une vision stratégique, l’Etat tunisien vise une intégration de 80% des énergies renouvelables d’ici 2050. Il s’agit également de développer des technologies de stockage de l’énergie électrique, de développer la mobilité électrique en se basant sur l’énergie électrique verte, de développer l’hydrogène vert à usage local et à l’export et de développer la liaison électrique entre la Tunisie et l’Italie, notamment avec le projet ELMES pour intégrer davantage les énergies renouvelables et diversifier les sources d’approvisionnement en énergie primaire.
« Nous devons faire de l’hydrogène vert parce que la Tunisie est un pays phosphatier et elle peut produire de l’ammoniac vert à partir de l’hydrogène vert. La Tunisie peut se positionner comme un pays exportateur d’engrais verts. Notre avantage comparatif est très compétitif en la matière », explique la ministre de l’Energie.