La presse française parle d’hécatombe dont a été victime dimanche 19 juin le parti d’Emmanuel Macron, (La République en marche) qui vient de perdre la moitié de ses élus à l’Assemblée sortante. La coalition électorale, « Ensemble », mise en place par Macron dans l’espoir d’accroitre ses chances d’avoir une majorité pour pouvoir gouverner, n’a pas réussi son pari. Elle n’a pu faire élire que 245 députés, bien loin des 289 nécessaires pour pouvoir passer une loi.
Plus grave encore pour Macron, trois de ses ministres n’ont pas pu se faire réélire. Et les deux piliers sur lesquels il a pu compter lors de son premier mandat (Richard Ferrand, président de l’Assemblée sortante, et Christophe Castaner, la cheville ouvrière) ont été boudés par les électeurs. Cette perte massive de députés par le parti présidentiel, cet échec de barons de ce même parti à se faire réélire, s’expliquent selon Jérôme Fenoglio, le directeur du journal Le Monde, par « un dégagisme (qui) s’avère un mécanisme électoral presque impossible à enrayer. »
Mais cette élection a démontré qu’il y a un autre mécanisme électoral plus dur encore à enrayer: l’abstentionnisme qui, avec un taux de 53, 77% au second tour du dimanche 19 juin, constitue « le premier parti de France ».
Cette abstention massive a endommagé fortement la coalition de Macron. Mais elle a été du pain béni pour le Rassemblement National, le parti d’extrême droite de Marine Le Pen. Mobilisés, déterminés et très politisés, les électeurs de l’extrême droite se sont déplacés massivement vers les urnes. Et ils ont bénéficié du fort taux d’abstention pour donner à leur parti 89 députés. Soit une première dans l’histoire politique française. Certains députés ont été élus par seulement 10% des inscrits…
Avec 131 députés, la NUPES (Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale), composée de La France insoumise, des Verts, des socialistes et des communistes et dirigée par Jean-Luc Mélenchon, devrait normalement être le plus grand parti d’opposition parlementaire. Et à ce titre, il présiderait l’importante Commission financière de l’Assemblée nationale.
Sauf que la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’un groupe parlementaire unique de la NUPES n’a pas reçu un accueil favorable de la part des partenaires de la coalition. Europe Ecologie-Les Verts, le Parti socialiste et le Parti communiste ont rejeté cette idée. Optant donc pour des groupes parlementaires autonomes.
Dans un tel cas de figure, c’est le RN de Marine Le Pen, avec 89 députés, unis et disciplinés, qui serait le premier parti d’opposition parlementaire. Et il aurait ipso facto la présidence de la Commission financière de l’Assemblée.
Au lendemain de l’élection présidentielle d’avril dernier qui a vu le troisième échec de la candidate de l’Extrême droite, la presse française a commencé alors à spéculer sur « le déclin de l’ascendant de Marine Le Pen sur l’extrême droite ». Deux mois après, cet ascendant n’a jamais été aussi fort. Comment peut-il en être autrement quand le parti incarné par cette femme passe de huit députés dans l’Assemblée de 2017 à 89 députés dans celle de 2022?
Mais si Marine Le Pen est aux anges après ces législatives, Emmanuel Macron est dans le pétrin. Sa coalition ‘’Ensemble’’, avec 245 députés demeure le premier parti parlementaire. Mais cela reste insuffisant pour pouvoir gouverner, passer des lois et faire adopter des réformes. Il aura besoin d’un minimum de 44 députés pour avoir la majorité requise.
‘’Les Républicains’’, parti de droite présidé par Christian Jacob, a obtenu 61 sièges dans la nouvelle Assemblée. Plus qu’il ne faut pour qu’Emmanuel Macron sorte de l’impasse dans laquelle l’ont mis les élections du dimanche 19 juin. Il a lorgné c’est sûr vers Les Républicains, il a peut-être prié Dieu pour que le chef des Républicains accepte la proposition d’une coalition présidentielle « contre les extrêmes de droite et de gauche ».
Désir frustré et prière non exaucée. Christian Jacob a annoncé clairement la détermination de son parti « dans l’opposition au gouvernement et à Emmanuel Macron ». Pourquoi? Parce que selon lui, le président Macron « a fracturé le pays comme jamais. Il a instrumentalisé les extrêmes et a mis la France dans la situation que l’on connaît aujourd’hui. Nous sommes en opposition à En marche!, au Rassemblement national et à l’extrême gauche. Et nous restons sur cette ligne-là. »
Un début de second mandat qui s’avère ainsi problématique pour Emmanuel Macron que les Français ont réélu en avril.
Alors que, deux mois plus tard, ils lui ont refusé les moyens d’appliquer son programme de réformes.