Alors que la situation critique des finances publiques est connue par tous les spécialistes et, surtout, reconnue par les autorités, le budget continue à afficher un solde positif jusqu’à la fin du mois d’avril 2022. Un résultat qui intrigue, mais qui s’explique.
Les chiffres publiés hier montrent que le solde budgétaire hors dons, privatisations et revenus de confiscation s’est établi à 88,1 MTND.
Les recettes de l’Etat ont atteint un record sur la période, soit 12 575 MTND, dont 11 548 MTND de revenus fiscaux. C’est une croissance de 20,7% par rapport à la même période en 2021, beaucoup plus rapide que celles des dépenses qui n’ont cru que de 4,5% à 12 194 MTND.
Une bonne performance surtout avec la flambée de la compensation. Celle-ci a coûté à 1 572 MTND. La collecte des revenus continue au rythme prévu (32,5% de ce qui est budgétisé). Ce qui atteste du bon fonctionnement de l’administration.
En même temps, le remboursement de la dette a continué, respectant parfaitement le calendrier des échéances. Au total, 3 517 MTND ont été payés sous forme de principal de la dette (1 900 MTND internes et 1 671 MTND externes). Les intérêts ont totalisé 1 471 MTND, dont 863 MTND relatifs aux dettes internes et 609 MTND à celles externes.
Question de formule
D’où vient donc cet excédent ? Tout est une question de calcul. Ici, nous sommes en train de parler d’un solde budgétaire, donc d’un flux. C’est pourquoi on ne tient compte que des dépenses courantes. La dette est une accumulation de déficits sur plusieurs années. Ainsi, seuls les intérêts sont comptabilisés dans le calcul du solde budgétaire. Le remboursement du principal de la dette n’est tenu en considération car il touche au stock. C’est grâce à ce principe que le solde ressort positif.
Par ailleurs, la structure des charges a contribué à ce résultat. L’Etat continue à gérer avec prudence, en ne décaissant que les priorités absolues. Il essaie de gérer ses dettes fournisseurs afin de garder les grands équilibres.
Afficher un solde positif est donc loin de traduire une situation confortable. En revanche, il témoigne qu’il y a de la vigilance même mais si cela passe par causer des soucis à certains prestataires de services qui dépendent des paiements de l’Etat.
Situation temporaire
Pour les mois à venir, cela va naturellement s’évaporer. Nous ne pouvons pas être plus royalistes que le roi. Selon les projections de la Loi de Finances 2022, ce solde serait de -9 308 MTND en fin d’année. Le rythme de collecte des recettes fiscales devrait décélérer, surtout que la saison de régularisation des impôts annuels est déjà derrière nous.
Cependant, les dépenses devraient s’accélérer. A titre d’exemple, celles d’intervention n’ont totalisé que 2 638 MTND jusqu’à fin avril contre 14 267 MTND budgétisées pour toute l’année.
La nécessité de trouver des sources de financements externes est toujours d’actualité. Nous pouvons encore résister quelques mois avant que les pressions sur la balance des paiements ne commencent à se propager à l’ensemble de l’économie. Nous sommes encore loin de crier victoire.