La participation de nos soldats aux exercices militaires conjoints African Lion 2022 et la présence présumée d’observateurs israéliens sur le sol tunisien soulèvent une vive polémique en Tunisie. Où certains partis politiques soupçonnent un timide rapprochement entre Tunis et Tel-Aviv.
Encore une fois, la Tunisie est soupçonnée de chercher à s’abriter sous le parapluie de la pax hebraïca. En effet, à chaque fois notre pays figure dans la liste des pays arabes qui emboiteraient prochainement le pas aux Émirats arabes unis, à Bahreïn, au Soudan et au Maroc, dans le cadre des Accords d’Abraham. Et à chaque fois, les autorités tunisiennes démentent avec vigueur ces allégations insistantes. Sans pour autant réussir à calmer cette récurrente polémique. Cette fois-ci, le contexte est celui de l’Africa Lion 2002.
Déjà, le ministère tunisien des Affaires étrangères avait réagi le 8 juin en cours aux allégations de la presse israélienne. Laquelle prétendait un rapprochement entre Tunis et Tel-Aviv. En démentant catégoriquement « les allégations infondées, rapportées par des sites appartenant à l’entité d’occupation. Et ce, quant à l’existence de discussions diplomatiques avec la Tunisie ».
Alors, la Tunisie serait-elle en voie de normaliser ses relations avec l’Etat hébreu? A cause de la participation présumée de militaires israéliens au Sud tunisien en leur qualité « d’observateurs ». Et ce, dans le cadre des exercices militaires conjoints African Lion 2022. Manœuvres organisées par le commandement américain en Afrique (Africom).
Al Joumhouri monte au créneau
D’ailleurs, plusieurs voix se sont élevées pour exiger le retrait immédiat de la Tunisie de ces manœuvres. Ainsi, le Parti Al Joumhouri d’Issam Chebbi a appelé, dans un communiqué publié mardi 21 juin 2022, au retrait immédiat de la Tunisie des manœuvres du Lion d’Afrique 2022 au Maroc. Car, elles « sont menées par les États-Unis d’Amérique. Et avec la participation de plusieurs pays, dont la Tunisie, aux côtés de l’armée d’occupation sioniste ».
Alors, le parti condamne fermement « l’implication du régime du 25-Juillet dans la voie de la normalisation ». Al Joumhouri impute aussi au président de la République « la responsabilité de l’adoption d’une politique qui heurte en profondeur les constantes nationales du peuple tunisien et de son État. Ainsi que leur attachement aux causes de la libération du joug de l’occupation ».
Kaïs Saïed : « Une haute trahison »
Par ailleurs, notons que cette énième polémique sur la criminalisation de la normalisation avec Israël a été ravivée par l’élaboration du projet de la nouvelle constitution tunisienne. Lequel sera soumis à la vox populi le 25 juillet prochain. Car, parait-il, elle ne figurerait pas dans le te texte fondamental. Tandis que le président de la République Kaïs Saïed argue que la simple citation d’Israël dans la Constitution serait une reconnaissance de facto de l’entité sioniste.
« Je hais le terme criminalisation de la normalisation», déclarait le Président le 19 mai 2021; et ce, dans une interview accordée à la chaîne France 24 en arabe. Expliquant que le terme « normalisation » est entré au dictionnaire arabe après l’Accord de Camp David. Et estimant que « la plus grande défaite est la défaite intellectuelle. »
« Le déni du droit palestinien est une haute trahison » ajoutait-il. « La Tunisie n’a pas de problème avec le judaïsme en tant que religion, mais avec le sionisme qui a massacré le peuple palestinien », poursuivait-il.
« Ce n’est pas une situation normale pour un être humain de vivre sous l’Occupation. Et il n’est pas normal que vous ayez des relations avec l’occupant », concluait le chef de l’Etat tunisien.
Des observateurs israéliens au Sud tunisien ?
Mais de quoi s’agit-il au juste? Les manœuvres African Lion 2022 sont qualifiées de « plus grand exercice militaire en Afrique ». Et ce sont les États-Unis et le Maroc qui les pilotent. Ayant débuté lundi 20 juin à Agadir, ces exercices militaires s’étaleront jusqu’au 30 juin. Avec des déploiements prévus au Maroc, en Tunisie, au Sénégal et au Ghana. 7500 soldats d’une dizaine de pays y prendront part. De même que des observateurs de l’OTAN et d’une quinzaine de pays. Parmi lesquels, pour la première fois, Israël.
Démenti embarrassé
Et c’est précisément la supposée présence de militaires israéliens sur le sol tunisien où se déroulent actuellement une partie des manœuvres, qui ravive la polémique sur ce sujet brûlant. Et c’est pour démentir ces « rumeurs » que le ministère de la Défense nationale tenait à souligner, dans un communiqué publié hier mercredi 22 juin 2022, « qu’Israël ne fait pas partie des pays qui participeront au African Lion 2022 qui se tient du 16 juin au 1er juillet 2022 ».
Soit. Personne ne dit le contraire. Mais il est établi que pour la première fois Israël y prend part en tant qu’observateur.
« La partie américaine organise d’autres phases de cet exercice au Maroc, au Sénégal et au Ghana. Et ce, avec la participation de 7500 militaires de différents pays des États-Unis d’Amérique, du Brésil, de la Roumanie, de la France, du Portugal, du Ghana, de l’Italie, de la Hollande, de l’Espagne, Grande-Bretagne et la Tunisie. En plus d’observateurs venus de nombreux pays », souligne enfin le ministère de la Défense. Sans toutefois préciser si Israël figurait parmi ces observateurs. Un simple oubli?