Lors d’une conférence de presse de l’UGTT sur « La vision réformatrice du régime politique », Nouredine Taboubi faisait savoir que son organisation présentera un document final sur la réforme du régime politique. Et ce, « afin de le comparer avec le contenu de la nouvelle Constitution ». Débat parallèle, interférence dans le processus politique en cours pour mieux le brouiller? Les interprétations vont bon train.
« Certes, la Constitution de 2014 contient des faiblesses, illustrées notamment dans les conflits de pouvoir entre le président de la République et le chef du gouvernement. Mais elle n’est pas pour autant dépourvue d’acquis et de droits. A l’instar de ceux des femmes, de l’égalité, etc., auxquels notre organisation s’attache. Personne n’a le droit de tout effacer et de recommencer de zéro. La Tunisie étant une civilisation trois fois millénaires. Et l’UGTT fait partie de notre histoire commune ». C’est ce que déclarait, hier jeudi, le SG de la centrale syndicale Noureddine Taboubi. Il s’exprimait ainsi lors d’une conférence organisée par l’UGTT sur « La vision réformatrice du régime politique ».
Une comparaison innocente ?
Selon le dirigeant syndical, l’élaboration de ce document se faisait avec la participation de plusieurs composantes de la société civile. A savoir, des juristes, des professeurs de droit constitutionnel, des sociologues historiens et des philosophes. « La centrale syndicale s’emploie à unifier tous les points de vue sur la réforme du régime politique dans un document final. Puis, elle le soumettra au peuple Tunisien; afin de le comparer avec le contenu de la nouvelle Constitution », soulignait-il.
Brouillage
Alors, dans quel but? Pour enrichir le projet de la Constitution qui sera publié le 30 juin? Louable initiative… A condition que le président de la République la prenne en compte. Sachant qu’il lui appartiendra d’adouber le texte final du référendum le 25 juillet prochain.
A moins qu’il ne s’agisse d’un débat parallèle au sein de l’organisation syndicale. Dans le but de court-circuiter le processus présidentiel en cours?
D’ailleurs, M. Taboubi, conscient que sa démarche pourrait être interprétée comme une « interférence fâcheuse » dans la feuille de route du Président, se défend de mener un débat parallèle. En clamant haut et fort que l’organisation syndicale « est une force de bien, qui a toujours prôné un dialogue sérieux débouchant sur des solutions à même de désamorcer les tensions et de surmonter les blocages ».
« Nous sommes attachés à un régime civil, républicain et pluriel. Et nous ne voulons pas revenir au Moyen-âge ou à l’âge de pierre ». Ainsi conclut le patron de l’UGTT.
« L’UGTT appartient au peuple tunisien. Elle représente l’histoire. Les dirigeants de l’organisation doivent préserver son image et son histoire… Nous ne participerons pas à un processus visant à introduire des idées sans aucun rapport avec celles portées par le peuple tunisien, l’Etat civil, les valeurs de la République, l’équilibre entre les pouvoirs, les restrictions sur les libertés collectives et individuelles, à la liberté d’expression, des médias, de s’organiser, du travail syndical et de faire grève », martèle-t-il.
N. Taboubi : « La séparation des pouvoirs doit figurer dans la nouvelle Constitution »
Rappelant encore une fois l’opposition de l’organisation ouvrière à la rédaction de la nouvelle Constitution par des commissions consultatives créées par le chef de l’Etat, Noureddine Taboubi signale que le principe de séparation des pouvoirs, considéré par Kaïs Saïed comme « discutable puisque Montesquieu n’est pas un messager de Dieu », doit « impérativement » figurer dans la nouvelle Constitution. Sans omettre l’exercice du pouvoir législatif par un Parlement élu qui jouera son rôle traditionnel « d’autorité de contrôle ». Ajoutant que la centrale syndicale s’oppose à ce que « le pouvoir soit accaparé par une seule personne ».
M. Taboubi a d’autre part appelé le président de la République à publier un décret-loi pour fixer le seuil minimum de participation au référendum sur le projet de la nouvelle constitution à 50% plus 1 voix. Et ce, « en vue de garantir la légitimité de la nouvelle Constitution ».
Et de s’interroger: « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de décret fixant un seuil minimal du taux de participation au référendum permettant de valider ou de rejeter le résultat ? « Afin de forcer la mise en place de son projet politique pour faire passer le référendum, vaille que vaille ». Telle est la réponse, évidente à ses yeux.
Tirs nourris sur le gouvernement Bouden
S’en prenant enfin au gouvernement de Najla Bouden, Noureddine Taboubbi estime qu’un gouvernement « nommé par un décret-loi en dehors des institutions élues n’a pas le droit de déterminer les choix du pays. Et encore moins d’en tracer l’avenir; moyennant des décrets-lois qui démantèlent l’économie et l’Etat ».
Accuser le gouvernement de Mme Bouden de démanteler sciemment l’économie et l’Etat? Cela fait partie de la rhétorique syndicale. Si Noureddine est un homme trop avisé pour ne pas le savoir.