De l’avis de plusieurs observateurs de la scène politique, la décision prématurée de la cheffe du parti destourien, Abir Moussi, de boycotter le référendum du 25 juillet sur la nouvelle Constitution serait une erreur politique. Car, elle ne fait que renforcer le camp du président de la République Kaïs Saïed. Analyse.
Ne jamais faire comme les autres et être omniprésent sur la scène politique et surtout dans les médias. Tel semble être le crédo de la cheffe du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi.
Ainsi, partout et en tout temps, il existe un large consensus sur la sacralité de la date de fêtes nationales, jalons essentiels de l’histoire d’un pays et leur symbolique partagée par tous. Pourtant, le parti destourien vient d’annoncer, hier mardi 28 juin 2022, dans un communiqué, qu’il comptait fêter le 65ème anniversaire de la République le samedi 23 juillet en organisant un rassemblement à l’emblématique avenue Habib Bourguiba. Et ce, au lieu de la date officielle du 25 juillet. Pourquoi? Parce que la Fête de l’indépendance de la Tunisie coïncide avec la tenue du référendum sur la nouvelle Constitution!
Toujours selon le même communiqué, le PDL note « son rejet de l’entreprise juilletiste du chef de l’Etat en exercice, Kaïs Saïed ». Tout en soulignant toutefois l’importance de célébrer les fêtes nationales. De même que de rendre hommage aux symboles de la République, notamment son fondateur Habib Bourguiba.
Par conséquent, le parti de Abir Moussi réitère une fois de plus son rejet du référendum « illégal » sur le projet de la nouvelle Constitution.Tel prévu par le président de la République, le 25 juillet prochain.
PDL : le référendum est nul et non avenu
Par ailleurs, la présidente du PDL avertit que son parti « ne reconnaîtra pas ce référendum ». Et que l’organisation du référendum sur la nouvelle Constitution est « nulle et non avenue ». Puisque, selon elle, le décret présidentiel n°117 « ne permet pas au président de la République de présenter une nouvelle Constitution aux Tunisiens ». Elle s’exprimait ainsi lors d’une conférence de presse tenue lundi 27 juin en cours. Laquelle présentait les recommandations de la réunion du comité central du parti.
Ce scrutin « est illégal. Il ne vise qu’à prendre le contrôle des droits des citoyens. Mais aussi à compromettre la volonté populaire et à détruire les fondements de l’État ». Elle promet donc de continuer de déposer les recours administratifs contre le processus du référendum. Alors, elle poursuit: « Nous allons fournir des références sur tous les dépassements commis par les différents intervenants. Nous porterons aussi plainte contre eux, au niveau national et international. »
A ce propos, notons que Abir Moussi a déjà appelé ouvertement le 28 avril dernier au boycott du référendum du 25 juillet prévu dans la feuille de route politique du Président de la République. En justifiant « qu’il doit passer par le Parlement ».
Il ne faut jamais insulter l’avenir
Alors que dire de l’attitude d’Abir Moussi qui insulte ainsi l’avenir en voulant coûte que coûte entrainer son parti dans le boycott du référendum? Alors même que l’on ignore encore le contenu du texte final de la nouvelle Constitution? Sera-t-elle suivie par sa base?
Et que faire si elle était appelée au lendemain des élections législatives à former un gouvernement eu égard aux sondages s’accordant à prévoir une victoire confortable du PDL lors du scrutin prévu pour décembre prochain?
Gare au jusqu’auboutisme de Abir Moussi
Ainsi, n’était-il pas plus judicieux d’attendre la publication du texte du projet de la nouvelle constitution au Journal officiel de la République tunisienne pour exprimer, à la base du texte définitif, son refus attendu de participer au prochain scrutin ? Et par ricochet, son rejet du projet présidentiel dans son ensemble ?
N’était-il pas plus sage de se ménager une porte de secours ? Et ce, en s’alignant sur la position réfléchie et responsable prise par la centrale ouvrière? Laquelle appelle à participer au scrutin du 25 juillet ; tout en exprimant ses réserves sur le contenu en attendant la parution, demain 30 juin, du texte final.
Et pourquoi se mettre inutilement à dos le président de la République Kaïs Saïed en déclarant mercredi 8 juin 2022 au micro d’Elyes Gharbi sur les ondes de Mosaïque Fm que « si le référendum se déroulait le 25 juillet 2022 et qu’il était approuvé, Kaïs Saïed devrait se retirer de la présidence de la République. Puisqu’il ne serait plus existant en tant que président de la République, investit sur la base de l’ancienne Constitution » ? Une solide argumentation juridique, mais une hasardeuse interprétation politique.
Paradoxalement, la décision radicale et jusqu’auboutiste de Mme Moussi rejoint celle des deux extrêmes de l’échiquier politique. A savoir, Ennahdha et l’opposant éternel, Hamma Hammami. Au grand malheur de notre trébuchant processus démocratique.