Comme l’on s’y attendait et comme il nous a habitués, le président de la République aura fait durer le suspense jusqu’au dernier jour et presqu’au moment ultime, pour autoriser la diffusion du projet de la constitution de la nouvelle République au grand public.
Premières impressions et réactions
Sans entrer dans le fond des critiques et autres jugements sur le contenu du projet, un bref récapitulatif, d’abord, des premières réactions des spécialistes, des politiciens et autres personnalités publiques s’impose pour mieux comprendre les degrés d’acceptation du projet de constitution.
La première impression générale veut que le texte ait été rédigé dans la hâte et la précipitation. Pour preuve, certaines répétitions inexplicables et « impardonnables » dont notamment l’article 60 et 63, avec exactement le même contenu, et l’existence de deux « chapitres 4 », l’un intitulé ; « fonction de l’exécutif » et l’autre : « fonction de la magistrature ». Ce qui prouve, si besoin est, que celui qui a été chargé de « coucher » la copie finale du « brouillon », n’a pas eu le temps de relire le projet. Et d’un !…
Une autre impression qui s’impose est que Kaïs Saïed a tenu à imposer l’esprit de sa pensée avec l’impasse sur des étapes importantes de l’histoire de la Tunisie et de se « précipiter » vers « l’explosion du 17 décembre 2010 » puis au processus enclenché le 25 juillet 2021, mentionnés dans le préambule. Et de deux !…
Sans oublier les articles tendant à instaurer un régime présidentialiste à outrance dans le sens où le président de la République peut entreprendre tout ce qu’il veut et contrôler tous les rouages de la marche et de la gestion des affaires du pays par rapport aux autres institutions de l’Etat dont notamment le chef et les membres du gouvernement, l’Assemblée des représentants du peuple et le conseil national régional et territorial qui est une sorte de parlement parallèle.
Ce Conseil constitue, de l’avis des observateurs, la pierre angulaire de la démocratie par les bases. Puisqu’il introduit le concept de représentativité directe des régions dont avait souvent parlé Kaïs Saïed… Et de trois !…
Amine Mahfoudh et Brahim Bouderbala prennent leur distance
Parmi les autres curiosités, on citera l’attitude des principaux aides du chef de l’Etat dans l’élaboration du projet de constitution. Amine Mahfoudh dit : «Ce n’est pas mon fils… ». Brahim Bouderbala reconnaît qu’il ne se retrouve pas dans la copie proposée par le chef de l’Etat même s’il existe certains recoupements.
Sadok Belaïd, pour sa part s’est exprimé pour marquer sa distance par rapport à la version parue au JORT. Et de quatre !…
D’autre part, on mentionnera que l’article 139 de ce projet stipule que cette constitution entre en vigueur à compter de la date de la proclamation définitive des résultats du référendum par l’Instance supérieure indépendante pour les élections ».
Mutisme curieux et inquiétant…
Ce point veut dire, de deux choses l’une : ou bien le président de la République est convaincu à 100 pour cent d’obtenir un large « oui » pour son référendum, soit il le fera imposer même si le « non» l’emporte. Et de cinq !…
Un autre fait significatif, le président Kaïs Saïed, qui a appelé les Tunisiens à se prononcer sur le référendum du 25 juillet, a évoqué de nombreux thèmes, mais il est resté carrément muet sur celui ayant trait à la nature des résultats définitifs dudit référendum, plus précisément en cas d’échec et de refus par les Tunisiens de la nouvelle constitution.
Si certaines voix ont assuré qu’en cas d’échec, le chef de l’Etat devrait, logiquement, démissionner, d’autres précisent que le référendum n’échouera pas dans la mesure où le président de la République n’a pas fixé un seuil au nombre de oui et au taux de participation.
Or, tout en relevant l’absence illogique d’un seuil de participation ou encore d’un faible pourcentage de « oui », les spécialistes estiment que cette expérience constitue un cas unique en son genre, d’où « la conviction que le référendum va passer à l’instar de la consultation électronique et de toutes les autres décisions unilatérales prises depuis le 25 juillet 2021 par Kaïs Saïed qui en a profité pour « faire imposer tout ce qu’il veut ».
Et si l’UGTT changeait la donne avec une participation au vote par un « Non » ?!
Toutefois, la probabilité d’un non demeure plausible, mais cette possibilité n’a pas été envisagée par Kaïs Saïed Et si cela va être le cas, qu’adviendra t-il du projet ? Quel avenir prévoir pour le chef de l’Etat et pour tout le paysage politique et social dans le pays ?
On n’en est, certes, pas là, mais en dépit des soutiens « inconditionnels, voire hystériques » des partisans de Saïed, les voix opposées commencent à se faire entendre, notamment après la publication dudit « brouillon ».
En effet, plusieurs parties et autres personnalités influentes, semblent avoir réalisé le danger du boycott, et crient haut et fort, à la participation et au vote par le « non » afin, selon eux, de faire barrage au projet de Kaïs Saïed, dont les partisans semblent avoir déjà tablé sur l’hypothèse du boycott.
Et si l’UGTT optait pour cette thèse du vote par un « non », le référendum risque, sérieusement, de connaître un flop, synonyme d’un désaveu indirect pour Kaïs Saïed
D’ailleurs, les mêmes observateurs appellent à ne pas boycotter le référendum et de participer au vote, car l’abstention ne servira que l’agenda du chef de l’Etat…
Kaïs Saïed a-t-il prévu ce très probable renversement de tendance ? A-t-il le temps et les moyens de faire échec à cette mobilisation, de plus en plus accrue, en faveur de la participation par un « non » ?
La partie s’annonce indécise et dont l’issue aura des répercussions déterminantes sur l’avenir de la Tunisie et des Tunisiens qui, il ne faut pas l’oublier, ont d’autres préoccupations et d’autres priorités à gérer…
Noureddine HLAOUI