La soutenabilité de la dette est au cœur des discussions entre le FMI et les gouvernements des pays en détresse financière.
Une question qui fâche le FMI, dans la mesure où la soutenabilité de la dette est une condition déterminante pour s’engager dans un programme avec les autorités d’un pays. Elle fâche aussi les pays concernés qui éludent souvent cette question, car elle dévoile leur incapacité à renouer avec une croissance forte génératrice de richesses (ressources fiscales et devises étrangères) suffisantes pour honorer avec aisance le service de la dette. La soutenabilité de la dette est une question complexe.
La soutenabilité est une question de mesure
Une bonne mesure de la soutenabilité nécessite l’adoption de la définition la plus large de la dette publique : dette budgétaire de l’administration centrale et toutes les dettes que le gouvernement a l’obligation de couvrir (dette publiquement garantie par les entreprises publiques, dette des caisses sociales…).
La soutenabilité est une question de « drivers »
Les principaux moteurs de la soutenabilité sont le solde primaire, le solde courant, le taux de change et le différentiel entre le taux de croissance et le taux d’intérêt. Une économie qui ne crée pas suffisamment de richesse encaisse un solde primaire négatif, creuse son déficit courant, grignote régulièrement ses réserves de change, mettant sa monnaie sous pression baissière, enregistre un taux de croissance anémique largement inférieur au taux d’intérêt sur les emprunts, et du coup, ne pourra pas échapper à l’insoutenabilité de la dette.
La soutenabilité est une question de profondeur des réformes
Les réformes cosmétiques ne peuvent que creuser le gouffre de l’insoutenabilité. En revanche, les réformes structurelles qui améliorent la qualité du service public, la productivité, l’état de la concurrence, l’employabilité…, permettront de remonter en palier de croissance et de repousser le spectre de l’insoutenabilité.
La soutenabilité est une question d’approche
L’approche dominante qui repose sur l’argumentaire économique et privilégie l’austérité budgétaire pourrait devenir menaçante pour la paix sociale. Il est urgent pour le FMI de repenser sa conception de la soutenabilité en intégrant les SDGs afin d’améliorer la résilience à la fois aux chocs économiques et extra-économiques (crises pandémiques, changement climatique, vulnérabilité sociale…). Enfin, il est difficile de déloger l’insoutenabilité lorsque l’action publique est orpheline de vision et que le discours politique brille par sa médiocrité.
Article paru dans le magazine de l’Economiste Maghrébin N° 848 – du 6 au 20 juillet 2022