L’Assemblée des régions et des districts, introduite dans la constitution soumise au referendum du 25 juillet 2022 a fait, notamment, couler beaucoup d’encre. S’agit-il de l’expression de cette démocratie directe par la base? L’expression aussi d’une « hostilité aux partis appelés à disparaître »?
Les paroles s’envolent, les écrits restent. On pourrait dire à l’heure des réseaux sociaux: les vidéos aussi. Ainsi dans une vidéo datée du 25 juillet 2013 à l’issue du martyre de Mohamed Brahmi, on voit Kaïs Saïed, alors qu’il n’était pas évidemment encore le premier magistrat du pays, déclarer: « Qu’ils partent tous, gouvernants et opposants. Ils ont donné la preuve de leur échec ». Prônant par la même une période transitoire et un autre mode d’élection. Une vidéo qui en dit long sur la place accordée, dans son approche quant à la gestion du pays, aux partis politiques.
On n’a cessé d’évoquer, dans ce cadre, son projet –présumé- de démocratie directe par la base qui ne ferait qu’éliminer les partis de la scène publique. Le doyen Sadok Belaid, un des principaux rédacteurs du projet initial de la nouvelle constitution, avant qu’il ne soit remanié par Kaïs Saïed, a parlé concernant l’Assemblée des régions et des districts, introduite dans la loi fondamentale, d’ « un système régional et territorial obscur et ambigu qui n’augure rien de bon ».
Cela fait quelque temps du reste que des chercheurs ont attiré l’attention sur Kaïs Saïed et sur sa pensée qu’il qualifient de « populiste ». Et dont l’un des fondement serait de négliger, le moins que l’on puisse dire, les partis. Voilà ce qu’écrit Hamadi Redissi, dans un ouvrage collectif publié en 2020, par Cérès Productions, « La tentation populiste: Kaïs Saïed est hostile aux partis appelés à disparaître ».
Deux intellectuels « organiques »
Hamadi Redissi précise: « Il propose une sorte de pyramide où le peuple s’auto-représente en se choisissant des représentants de bas en haut ». Et il détaille ce système au travers des descriptions faites par ce qu’il a appelé « deux intellectuels organiques » actifs des pages Facebook. A savoir Ridha Mekki dit Lénine et Kaïs Karoui qui évoquent des « conseils cantonaux », des « conseils régionaux » et un « parlement national » ».
Un projet chimérique? Attendons de voir. Nombre d’observateurs attendent de voir le code électoral. De même que certains autres textes ou encore des faits et gestes présidentiels qui pourraient suivre l’adoption de la nouvelle constitution pour peut-être voir plus clair! Quoi qu’il en soit, il sera on ne plus difficile de gommer les partis politiques. Lesquels sont l’expression de nombreux courants de pensées: destourien, islamiste, nationaliste arabe, etc.
En effet, ces courants existent depuis des décades en Tunisie pour ne pas dire plus. Et ils ont un vécu devenu jusqu’à un legs. Et même si évidemment le vote pourrait se faire sur des noms et non sur des listes; on ne pourra que difficilement, dans une démocratie, ne pas laisser des candidats présenter des projets de société qui sont souvent prisonniers d’une vision et d’une couleur idéologiques.