Georges Brassens chantait « mourir pour des idées, oui, mais de mort lente, oui mais de mort lente ». La classe politique issue de « la révolution » se consume lentement, sûrement mais douloureusement! Une agonie qui n’en finit pas de finir. Surtout que pour certains de ses chefs, qui sont rattrapés par le grand naufrage de la vieillesse, la mort politique précède la mort clinique. Et elle arrive à un moment ou l’être humain devrait se préparer, sereinement et paisiblement à être rappelé par son créateur; du moins pour ceux qui y croient durement.
Rached Ghannouchi refuse cependant de croire qu’il est mort en politique, définitivement et éternellement. Biologiquement, il donne l’impression, ou du moins selon l’image qu’il veut donner de lui, d’être à la fleur de l’âge. Comme d’ailleurs son ancien ami et ennemi Béji Caïd Essebsi. En effet, ce dernier continua de manœuvrer politiquement jusqu’à son dernier souffle. Et ce, pour éliminer de sa succession à la tête de l’Etat, son ex-protégé; mais aussi celui qui l’a trahi au sens moral et politique Yousef Chahed. Il était en connivence d’ailleurs avec ce même Ghannouchi, qui se trouve actuellement trahi par ses plus proches collaborateurs et anciens alliés.
Quand bien mène leur haine pour le Président de la République, Kaïs Saïed continue de les unir. Surtout que c’est lui qui a allumé la mèche de l’incendie qui va tous les griller définitivement et les éjecter durablement de la scène politique. Pour cela seulement, KS restera dans l’histoire.
Le coup de grâce du 25 juillet 2021
Voilà un an moins quelques jours, dans un discours qui prenait de court et surprenait mêmes les services de renseignements étrangers les plus performants, mais pas tous, KS ordonnait la fermeture qui s’avèrera par la suite définitive, de la grande grille de la porte du bâtiment qui accueillait le parlement. Il y plaça un char et une escouade de militaires qui interdirent l’accès au tout puissant Rached Ghannouchi. Ce dernier ayant accouru avec ses lieutenants à 2h du matin pour occuper les locaux et y rester. Afin de « résister » à ce qu’il avait qualifié tout de suite de « coup d’Etat »; tout en lançant un appel au peuple nahdhaoui.
Dans des images vidéos pathétiques, seuls quelques uns de ses sbires avaient répondu à l’appel, d’ailleurs sans conviction. Ce jour là Rached Ghannouchi mourut politiquement. Mais sa grande force, c’est qu’il nia cette mort, contre toutes les évidences. Et ce, pour faire croire qu’il était toujours le maître du jeu et du pays.
Erreur fatale, car il n’a fait que prolonger sa longue agonie. Et par conséquent, celle de toute la classe politique issue du coup d’Etat de 2011, dont il était devenu le grand patron; mais aussi le régent de tout le pays.
Le temps de l’allégeance
Leaders de l’extrême gauche, de gauche, du centre, des libéraux, des nationalistes arabes et même d’anciens destouriens, lui ont tous prêté allégeance. Et ils lui ont obéi, pendant des années, au doigt et à l’œil. Même BCE et sa cour constituée d’anciens gauchistes, de destouriens de seconde zone, de syndicalistes, ne juraient que par la tête du Cheikh.
Sans parler des hommes d’affaires les plus véreux et des barons de l’économie informelle qui parasitaient depuis toujours l’économie du pays. Tout en renflouant les caisses initialement vides du parti religieux. Seule une partie de la société civile, imprégnée de laïcité, et une partie des journalistes ont fait barrage et lui ont tenu tête.
La machine de l’Etat s’est mise doucement en branle
Constatant son isolement, il a joué et parié sur le soutien extérieur pour pousser KS à faire machine arrière ou du moins négocier un compromis. Sauf que la machine de l’Etat s’est mise doucement en branle et a progressivement amputé R.G de ses principaux leviers. A savoir: le parlement et le système judiciaire. Avant de resserrer l’étau et le viser personnellement, en le traduisant en justice pour des dossiers de plus en plus lourds. Et ce, tout en éliminant dans la foulée ses principaux relais politiques. Notamment les partis de Qualb Tounes et de Tahya Tounes, des transfuges de l’ancien Nidaa. Et surtout de ses marionnettes populo-islamistes, iitilaf el karama et bien d’autres encore.
Tout s’est donc passé comme si un minutieux plan d’encerclement puis d’étouffement d’Ennahdha a été mis en place et appliqué par étapes.
Maintenant, il semble qu’on arrive au moment fatidique ou Rached Ghannouchi s’est vu accuser par la justice d’appartenance à une organisation terroriste et d’autres crimes très graves. En outre, il s’est vu geler tous ses comptes en banques. Ainsi que ceux de ses enfants et de son gendre qui sont déjà recherchés par la police, puisqu’ils sont en fuite. Il va passer devant le juge d’instruction qui risque de l’envoyer en prison, avant même le 25 juillet prochain date d’anniversaire de la République. A quoi s’ajoute le coup de force de KS contre l’Islam Politique, sans parler du référendum.
Le gourou sous les verrous?
Déjà son porte parole, qui se cache sous la bannière de ce qu’on a appelé cyniquement « Le front du salut » qui nous rappelle le tristement célèbre Front Islamique du Salut (FIS) algérien, l’incorrigible et éternel looser Néjib Chebbi, a pronostiqué la mise sous les verrous du gourou, non seulement des islamistes, mais de tous les politiciens qui ont composés la défunte classe politique.
Ainsi, ce dernier accuse directement le chef de l’Etat d’être derrière cette arrestation. Oubliant au passage que c’est le comité de défense de feu Chokri Belaid et Mohammed Brahmi qui a combattu vaillamment pour faire aboutir ce dossier. Avant même que KS n’annonce sa candidature à la Présidence.
Mais qu’il soit incarcéré pour ce dossier ou pour un autre, il semble bien que le glas va sonner bruyamment pour Rached Ghannouchi. De même que pour l’islam politique qu’il incarne parfaitement.
Une classe politique qui disparaît, une autre qui tarde à naître
Alors que les derniers survivants de l’ancienne classe politique, la plus médiocre et la plus toxique que la Tunisie ait jamais connu, s’agitent. Et ce, dans l’espoir qu’une action divine ou humaine vienne les secourir et les remettre en selle. La date du 25 juillet 2022, celle du référendum sur la nouvelle constitution, avance inexorablement; Et tout pousse à croire que le oui l’emportera. Et ce, indépendamment du contenu fortement contesté du texte fondateur de la « nouvelle République ».
A partir de cette date, et surtout après les élections de décembre prochain, une réalité politique radicalement différente de ce que la Tunisie a connu dans son histoire verra le jour. Et elle sculptera la nouvelle carte politique du pays. Quelle que soit la force des partis et des formations qui occuperont le Bardo dans ses deux chambres, ils ne pèseront pas lourd devant le pouvoir presque absolu du Président de la République; grâce à une constitution taillée sur mesure.
Les nouveaux acteurs politiques qui compteront ne seront plus au Bardo ou chez les états-majors des partis; mais uniquement dans l’appareil exécutif, notamment à la Kasbah et dans les postes clefs de l’appareil étatique.
Les députés pourront se chamailler à loisir et s’insulter gravement et continuer de faire la joie des téléspectateurs et des internautes. On peut déjà pronostiquer que ceux qui constitueraient cette nouvelle classe sont d’illustres inconnu(e)s. Un nouvel ordre politique va émerger dont nul ne peut prévoir encore la nature et encore moins le contour!
L’émergence d’un nouvel ordre politique
Quant à la composition des deux chambres, parions que les vraies élites du pays ne se bousculeront pas pour s’y faire élire. Vu la tournure catastrophique que prends le débat sur la Constitution. Ajoutons à cela le rôle très limité qui leur sera accordé par la nouvelle constitution qui est de nature à couper tous les appétits politiques.
Le parlement ne sera donc plus le passage obligé comme il le fût en partie même avec le parti unique et encore plus depuis 2011. L’appartenance même à un parti politique n’aura plus de sens. Puisque les postes de responsabilité seront uniquement désignés par Kaïs Saïed lui-même. Et l’on sait où vont ses préférences grâce aux nominations qu’il a déjà effectuées.
Faute d’une vraie classe politique, que la Tunisie mérite amplement, on aura une pléthore de hauts fonctionnaires. Lesquels, pour se hisser dans la hiérarchie, doivent jouer aux laudateurs et aux thuriféraires. Tout porte à croire que le mérite se remplacerait par l’allégeance. De même que le courage d’agir par l’hypocrisie des ronds de cuir!
Cela ressemble étrangement à la fin de règne de Bourguiba et de Ben Ali et même à l’époque de la troïka en plus médiocre. C’est l’aboutissement logique d’une décennie noire qui purgea l’Etat de tout ce qu’elle avait de meilleur. Pendant ce temps, on continuera de voir la situation économique et sociale se dégrader à vue d’œil. A moins d’un sursaut salutaire!