Pas moins de 43 demandes de commissions rogatoires pour le recouvrement de biens mal acquis ont été introduites auprès de la justice française par l’Algérie. Elles concernent l’implication d’anciennes personnalités proches du sérail. Notamment celles sévissant sous l’ère du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. Mais, le temps de la coopération internationale est particulièrement long; et les difficultés procédurales difficiles à surmonter.
Pour le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, c’était l’une de ses promesses de campagne. Et ce, alors qu’il était candidat à l’élection présidentielle, en décembre 2019. Aujourd’hui, en Algérie, c’est son cheval de bataille.
Déjà, fraichement élu, il annonçait solennellement son engagement à « récupérer les fonds volés ». Affirmant que son gouvernement « avait commencé à récupérer des biens immobiliers en France; y compris des appartements et des hôtels particuliers ».
L’argent sale planqué dans le 16ème arrondissement
Mais de quoi s’agit-il au juste? De fonds volés par la nomenklatura algérienne de l’ère Bouteflika. Laquelle avait coutume de « planquer » l’argent détenu par d’anciens hauts responsables algériens en France. Et ce, en achetant notamment des appartements de luxe dans le 16ème arrondissement; ainsi que dans d’autres quartiers cossus de la capitale française. Sachant que le recouvrement de biens mal acquis détenus par ces anciens responsables en délicatesse avec la justice algérienne alimente d’une manière récurrente la passion dans les débats publics.
L’Algérie était « mal préparée »
Le hic, c’est que selon l’aveu de Mokhtar Lakhdari, directeur général de l’Office central de répression de la corruption, l’Algérie « n’était pas préparée, avec les textes qu’elle avait sous la main, aux difficultés procédurales auxquelles bute la justice algérienne pour rapatrier ces fonds illicites ». Révélant au passage que « des biens mal acquis ont été transférés particulièrement vers la France, l’Espagne, la Turquie et les Émirats arabes unis ».
Un dossier ultrasensible
La nouveauté c’est que les autorités algériennes sollicitent cette fois-ci l’aide officielle de la justice française.
Ainsi, nous apprend le quotidien algérois El Watan, la saisine de la justice française concerne au moins 43 dossiers. Tandis que deux organismes judiciaires des deux côtés de la Méditerranée coopèrent étroitement dans ce dossier ultrasensible.
Toujours selon ce media de référence, le ministre algérien de la Justice vient d’introduire auprès de son homologue français 43 demandes de commissions rogatoires. Elles sont relatives au recouvrement de biens mal acquis. Avec l’implication d’anciennes personnalités proches du sérail. Et notamment celles ayant sévi sous l’ère du président déchu Abdelaziz Bouteflika. Mais, nous ignorons pour l’instant l’identité des personnes que cette enquête concerne.
D’autre part, la même source explique que cette coopération a été rendue possible grâce à la convention bilatérale d’entraide judiciaire en matière pénale. Sa signature se faisait à Paris le 5 octobre 2016. Puis sa ratification par l’Algérie intervenait le 25 février 2018. Depuis, elle permet de mettre en place un cadre juridique commun. Et ce, pour le traitement des affaires de spoliation de ressources publiques.
Une convention d’entraide judiciaire
Ainsi, l’article 1er de ce texte indique clairement son domaine d’application. En effet, il s’étend à « l’exécution des décisions de confiscation et le recouvrement des avoirs ».
Et c’est sans doute un tournant dans la coopération judiciaire entre Alger et Paris. Car, c’est bien la première fois dans l’histoire des relations franco-algériennes que les magistrats des deux pays travaillent de façon si étroite. Et ce, dans l’objectif de lutter ensemble contre le crime économique. L’enjeu, étant de « lutter contre la corruption et de récupérer l’argent détourné au profit des populations ».
D’une manière concrète, ce sont des magistrats algériens qui collaborent directement avec leurs collègues de l’autre côté de la Méditerranée. Puisque le Pôle économique et financier datant de 2020, qui centralise les demandes en Algérie, travaille directement avec le Parquet national financier, créé à Paris en 2013.
Enquêtes d’une rare complexité
Reste à savoir si la coopération judiciaire entre les deux pays fera concrètement bouger les choses? La réponse est mitigée car le temps de la coopération internationale est long. Pour chacune des 43 affaires visées par la justice, rappelle le média algérois, « il faut compter une cinquantaine de personnes à interroger ».
« Ce sont des enquêtes complexes et longues » qui obéissent à une « procédure lente ». Il faut savoir que ces investigations portent sur tous types d’avoirs « immobilier; comptes bancaires; sociétés écran, turques notamment; identifier les gérants officieux de la société, etc. »
De plus, « il faut arriver à prouver l’infraction, établir la traçabilité de l’argent. Voir par exemple s’il y a eu un virement qui a été effectué, à quelle période. Est-ce avant ou après la passation d’un marché public soupçonné d’être à l’origine d’un fait de corruption? », poursuit El Watan.
Sans omettre que « le droit de la propriété en France est un droit inaliénable. On ne peut pas déposséder quelqu’un de tout. Il faut donc d’abord s’assurer que le bien ciblé est véritablement le produit d’une opération frauduleuse ». Ainsi conclut la même source.
Vaste chantier.