A peine une semaine nous sépare de la date butoir du 25 juillet 2022 fixée au vote. Et ce, pour le referendum portant sur le projet de nouvelle constitution, voulue et rédigée par le président Kaïs Saïed en personne.
Il faut dire que le temps « s’est arrêté » en Tunisie et tous les Tunisiens se sont vu imposer le rythme de vivre au diapason et selon les tiraillements des « pour ou les contre » ledit referendum. Même si le chef de l’Etat a toujours laissé entendre que le projet va passer « en dépit de toutes les tentatives de fraude et de piratage… ».
Mais commençons par le commencement. Après avoir fait avaler la pilule d’une constitution élaborée d’une manière participative sur la base d’un dialogue inclusif réunissant le maximum de partis politiques, d’organisations nationales et de la société civile; le processus a pris une tout autre tournure.
En effet, outre le black-out total imposé au déroulement de ce dialogue, théoriquement et officiellement chapeauté par les deux éminents juristes, Sadok Belaïd et Amine Mahfoudh ainsi que le Bâtonnier Brahim Bouderbala; de nombreuses tergiversations ont marqué les diverses péripéties des tractations.
Puis, finalement et comme à l’accoutumé, le texte du projet de la nouvelle constitution a été rendu public sur les colonnes du Journal Officiel; et ce, à la dernière minute du « temps réglementaire ». Et là, ce fut la grosse déception et l’énorme consternation généralisées. A part, bien évidemment, au Palais de Carthage.
Belaïd et Mahfoudh « floués et dupés », qui croira encore aux promesses de Saïed ?!
Il s’est avéré, preuve à l’appui, celle de l’aveu même des deux juristes « complices » de Saïed, que le texte paru au JORT est foncièrement différent de celui élaboré par Belaïd et Mahfoudh. « Scandale ! », crieront les deux juristes « floués et dupés ».
« Pratique normale, logique et attendue », estiment les partisans du président de la République. Dans le sens où les juristes en question savaient parfaitement que leur rôle était strictement consultatif et que le dernier mot décisif revenait à Kaïs Saïed ». Plus encore, ces « inconditionnels », conduits par les Bouderbala, Maghzaoui, Mekki et autre Briki, devenus plus royalistes que le roi, crient, tous, à une volonté « malsaine » de créer la zizanie entre les Tunisiens !
Et ce n’est pas fini. Une semaine plus tard, face aux critiques concernant des erreurs de frappe, de linguistique et autres touchant même au fond, le chef de l’État nous a sorti un autre texte sur le JORT avec « des rectificatifs ». En indiquant que rien ne change et que les délais de vote au referendum restent exactement les mêmes. Tout en lançant, par la même occasion, un appel au peuple tunisien, alors qu’il se trouvait en Algérie, en vue de voter par un « oui » massif au projet de la nouvelle constitution.
Ainsi, représentant l’institution publique par excellence, le président de la République s’est impliqué, de la manière la plus solennelle, par son appel au « oui » dans cette affaire de referendum.
Le chef de l’État a, par ailleurs, reçu, officiellement, le président de l’ISIE, placée, désormais, sous sa tutelle. Dans la mesure où ses membres sont nommés par décret présidentiel. Un geste qualifié d’ingérence dans les affaires de l’Instance. Alors que, dans le même temps, on note l’insistance du président de la République auprès du ministre de l’Intérieur; et ce, afin de veiller au respect scrupuleux de la neutralité de l’administration publique.
Ons Jabeur embarquée dans une ambiguïté et dans un amalgame « malsains »
Puis vint la dernière trouvaille en date. A savoir celle de profiter de l’hommage rendu à la grande championne de tennis, Ons Jabeur, en présence de deux ministres (culture et sports) pour lui arracher un « Oui » équivoque. Il fut interprété par les citoyens comme une implication de sa part dans la politique et dans le processus du referendum aux côtés des partisans de Saïed.
Alors, consciente qu’elle s’est laissée entraîner dans un amalgame malsain dans lequel les officiels ont bien voulu l’impliquer, la tenniswoman a été contrainte de faire des précisions. Elle déclara: « C’est un grand « OUI » pour encourager la jeunesse à réaliser ses rêves. Ce n’est pas un « OUI » politique. Je suis une sportive, je ne fais pas de politique. »
Toutefois et pour l’honnêteté intellectuelle, il est bon de rappeler que notre championne était parmi les personnalités ayant fait, sur le site de la consultation électronique, la promotion de celle-ci !!! Un geste hautement politique à un moment où cette consultation marquait le pas; avec seulement à la clé 500 mille participants…
Entre la transparence et les ingérences, le « plébiscite » sera-t-il réel ou un passage en force?
Maintenant, la question qui se pose est la suivante: quelle chance a le « Oui » de passer au referendum? Et ce, dans une opération où la transparence et la neutralité sont pour des raisons diverses fortement contestées? Et même en cas de victoire du « Oui », les observateurs restent persuadés qu’il s’agirait d’un autre passage en force et d’un énième fait accompli. D’où les risques éventuels de voir la nouvelle constitution « capoter » dans la pratique. Surtout au vu de la forte résistance affichée par une très grande majorité de la société civile…