L’économiste et ancien ministre du Commerce Mohsen Hassan affirme que la hausse des prix actuelle en Tunisie est sans précédent. La preuve en est le taux d’inflation sans précédent au mois de juin 8,1%. Et notamment en ce qui concerne le panier de l’alimentation. Lors de son intervention sur les ondes d’Express FM, il revient sur les causes profondes de la hausse des prix et la rareté d’un certain nombre de produits en Tunisie.
Pour Mohsen Hassan, les causes du manque d’approvisionnement et de la hausse des prix se résument en une tendance inflationniste à l’échelle internationale et à la guerre russo-ukrainienne. Laquelle provoque la suspension de l’exportation de plusieurs produits alimentaires, à l’instar des céréales et les hydrocarbures.
Pour illustrer son propos, il cite la Banque mondiale qui affirme que le prix des céréales connaîtra une hausse tout au long de l’année 2022 de 40%. La cause en est l’augmentation du coût de production provoquée par l’augmentation des prix des engrais; ainsi que l’interdiction de l’exportation des céréales de l’Inde. Les huiles végétales ont connu la même hausse. Mais, selon le dernier rapport de la FAO, les prix des huiles végétales commencent à enregistrer une baisse. Car l’embargo de l’exportation des huiles végétales de l’Indonésie a été levé. Le prix du sucre, également, a enregistré une baisse à cause de la hausse progressive de la récolte de sucre en Inde.
Par ailleurs, la hausse des prix des aliments pour bétail a provoqué une hausse importante des prix des viandes et des volailles qui dépasse les 40% à l’échelle internationale. Le phénomène s’explique également par la hausse de la valeur du dollar dont la hausse est sans précédent depuis 20 ans. Ce qui a impacté le coût des importations pour les pays en voie de développement. Outre ce phénomène, l’intervenant cite l’augmentation du coût du transport de plus de 500% à cause de l’augmentation des prix des hydrocarbures.
A ces facteurs extérieurs viennent se greffer des facteurs internes qui nécessitent un traitement. Il s’agit de la situation des finances publiques en Tunisie. En effet, le manque de liquidité a aggravé la situation des entreprises publiques chargées de l’acquisition des produits alimentaires. A savoir l’Office du commerce qui subit de grandes pressions financières dont la cause est l’accumulation des dettes censées être honorées par l’Etat. De même que l’Office des céréales ne déroge pas à la situation.
Les dettes de cette entreprise atteignent 1900 milliards auprès de la Banque nationale agricole (BNA). Car l’Etat n’a pas honoré ses engagements auprès de l’Office des céréales. La STIR et l’Office national de l’huile se trouvent dans le même pétrin d’après l’intervenant. Par conséquent, « la situation des finances publiques n’a pas permis aux entreprises publiques précitées d’acquérir nos besoins en produits alimentaires pour avoir un stock stratégique», regrette-t-il.
Mohsen Hassa pointe du doigt l’absence d’investissement pour des espaces d’approvisionnement de produits alimentaires. « La capacité d’approvisionnement des hydrocarbures et des produits alimentaires ne dépassent pas les trois mois. Il s’agit d’une capacité faible. D’où la nécessité de lancer un véritable partenariat entre le secteur public et le secteur privé pour améliorer le volet stockage », lance-t-il. Pour l’économiste, le ministère du Commerce y est pour quelque chose. Car, selon lui, le département ministériel est censé observer la tendance haussière des prix. Ainsi, il propose que le ministère fixe le prix d’un certain nombre de produits alimentaires. A cet égard, après concertation avec les professionnels, le ministère du Commerce pourrait fixer un prix maximal d’un certain nombre de produits alimentaires.
En outre, l’intervenant pointe du doigt la poursuite de la contrebande vers les pays voisins et la spéculation. Ce qui provoque la rareté d’un certain nombre de produits alimentaires. Il appelle donc à lutter contre ces phénomènes par des dispositifs législatifs, les sanctions et le renforcement du contrôle économique.
Mais, « il ne faut pas expliquer la pénurie des produits alimentaires, uniquement, par la contrebande et la spéculation », insiste-t-il. « Elle s’explique également par la faiblesse de notre production nationale. Nous ne voyons pas d’efforts déployés par l’Etat pour élaborer une stratégie bien déterminée pour la sécurité alimentaire. Qu’avons-nous fait pour le problème du financement du secteur agricole? Qu’avons-nous encore fait pour résoudre le problème de sa faible rentabilité? Il faut qu’il y ait un excédent de production agricole pour maîtriser les prix et éviter la pénurie », poursuit-il. Il estime donc que cette situation est une atteinte à la réputation du pays et au pouvoir d’achat des Tunisiens. Elle peut même provoquer une anarchie sociale.