A sa sortie tard dans la nuit du mardi 19 juillet 2022, à l’issue de sa comparution devant le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, Rached Ghannouchi se pavoisait d’avoir obtenu un non-lieu, donc d’être blanchi comme la neige par la justice. Alors qu’en vérité, il a été maintenu en état de liberté. Nuance juridique, mais de taille!
Hier, mardi 19 juillet 2022, jour de sa comparution devant le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, une question lancinante brûlait toutes les lèvres. En effet, une fois la justice censée être libérée de ses chaînes, l’insubmersible et intouchable leader historique du parti islamique d’Ennahdha et ex-président du Parlement dissout, Rached Ghannouchi allait-il rendre des comptes? Et ce, pour la décennie noire où il régna en maître absolu?
Sortirait-il libre comme l’air? Soit faute de preuves suffisantes; soit sous la pression des pétrodollars d’une certaine monarchie du Golfe?
Maher Medhioub, son ex-assistant à l’ARP qui est refugié depuis deux ans au Qatar, n’avait-il pas eu le culot de menacer directement et en termes peu équivoques, lundi 18 juillet 2022 sur sa page FB, le président de la République. On pouvait y lire effectivement: « Monsieur Kaïs Saïed: toute atteinte à la personne du Président de l’Assemblée des représentants du peuple contribuera à attaquer la stabilité fragile de la Tunisie, à approfondir la grave crise et à marquer la fin de votre règne ».
Blanc comme neige
Et le verdict tant attendu tomba tard dans la nuit. « L’accusé est maintenu en état de liberté, il a pu rejoindre son domicile dans la soirée ». C’est ce qu’annonçait l’avocat et activiste politique, Samir Dilou, dans un post laconique sur sa page officielle. Ajoutant plus tard que ce verdict a été prononcé « au terme d’un interrogatoire de plus de neuf heures. Et ce, dans l’affaire dite de l’association Namaa, diligentée pour des soupçons de blanchiment d’argent ». Tout en précisant que « 19 plaidoiries ont été assurées au cours de cette audition, sur plus de 100 avocats ayant annoncé assurer sa défense ».
Fanfaronnade
Alors, Rached Ghannouchi a-t-il bénéficié d’un non-lieu comme il en fanfaronnait à sa sortie du tribunal? Certainement pas, puisque primo, en terme juridique, il a été « maintenu en état de liberté ». Ce qui signifie en terme juridique qu’il reste à la disposition de la justice.
Et secundo, le Parquet, qui selon nos informations avait demandé un mandat de dépôt à son encontre, a interjeté appel sur le champ contre la décision du juge d’instruction. Laissant donc entendre que l’affaire n’en est qu’à ses débuts. Ainsi, il faudra s’attendre à d’autres rebondissements.
Bien entendu, le cheikh de Montplaisir a prétendu à sa sortie tard dans la soirée du mardi, que la cour a prononcé un non-lieu en sa faveur. Et ce, grâce au collectif d’avocats qui l’a défendu et qui a prouvé « que toutes les accusations portées contre lui étaient fausses ».
Il a d’autre part fait l’éloge de la justice et des magistrats tunisiens. Lesquels « ont acquis une indépendance certaine ». Accusant au passage « certaines parties politiques qui ont échoué à vaincre Ennandha par les urnes, ont fabriqué de fausses accusations contre ses dirigeants ». Et assurant encore que « tous les autres procès montés contre les dirigeants du parti se termineront par des non-lieux. Car toutes les accusations sont fallacieuses ».
Ghannouchi : Ennahdha sera là « pour sauver le pays »
En verve après neuf heures d’interrogatoires, le gourou du mouvement islamiste Ennahdha, âgé de 79 ans, glissait lors de son discours « triomphal » que la Tunisie est confrontée à la dictature qui la guette; et non aux problèmes économiques ou de ruptures de stocks. Il promet qu’Ennahdha sera là « pour sauver le pays en mettant en place un gouvernement de salut national ».
Au secours, Ennahdha est de retour, nous promet M. Ghannouchi. Nous voilà rassurés!
Déjà avant sa comparution, mardi 19 juillet, devant le juge d’instruction auprès du pole judiciaire de lutte contre le terrorisme, le fondateur du parti islamiste Ennahdha avait déploré sur sa page officielle facebook, cette propension « à le viser, à l’éclabousser ainsi que sa famille, et à lui coller des accusations fallacieuses, tendancieuses et infondées ».
A ses yeux, « ces accusations s’inscrivent dans le cadre du passage d’un projet de constitution, consacrant le coup d’Etat, le despotisme, le pouvoir personnel absolu ».
Et de rappeler inlassablement « avoir été jugé pour des accusations politiques, incarcéré à l’époque de Bourguiba et de Ben Ali, et condamné à la peine capitale pour avoir dirigé un parti politique, qu’ils ont refusé de reconnaître, et se sont obstinés à considérer comme étant une affaire sécuritaire, et non une affaire politique ».
« Aujourd’hui, ils veulent me juger pour des accusations de droit commun. Alors que j’ai passé ma vie dans le combat pour un Etat de droit et des institutions. Par ailleurs, j’ai déclaré mes biens, à plusieurs reprises, mais ils n’arrêtent pas leur dénigrement et affabulation. Et c’est là, la forme d’oppression la plus abjecte », a-t-il conclu.
Que notre ami Rached Ghannouchi, chantre de la démocratie et des droits de l’Homme, qui « passa sa vie dans le combat pour un Etat de droit et des institutions » soit assuré de notre sympathie… la plus sincère.