La coopération militaire accrue entre Rabat et Tel-Aviv, si elle fait le bonheur des militaires israéliens, agace au plus haut point le voisin algérien qui craint « l’arrivée à présent de l’entité sioniste à ses portes ». Sans parler de l’hostilité de la majorité silencieuse au Maroc à tout rapprochement avec l’occupant israélien.
Savez-vous qui a atterri au début de cette semaine sur le tarmac de l’aéroport international de Rabat en provenance de Tel-Aviv et qui avait probablement gagné quelques heures de vol en survolant la terre sainte de l’islam? Et ce, depuis que l’Arabie saoudite avait récemment autorisé l’ouverture de son espace aérien à tous les transporteurs aériens, y compris les appareils civils israéliens?
Une visite « historique »
Il s’agit, tenez-vous bien, de Aviv Kochavi, chef d’état-major de l’armée israélienne en visite officielle historique au Maroc. Il était accompagné du commandant de la coopération internationale de l’armée, le général de brigade Effie Defrin; ainsi que du chef de la division de recherche du renseignement, le général de brigade Amit Saar.
Concernant la présence d’Amit Saar, le grand spécialiste du renseignement israélien, les observateurs ont relevé que déjà en 1995, les renseignements marocains avaient fourni de précieux renseignements au Mossad sur les déplacements d’Oussama Ben Laden, le leader d’Al-Qaida, avant qu’il ne devienne le cerveau des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Et ce, grâce à son secrétaire marocain « retourné » par les moukhabarat marocain.
Reçue par une haie d’honneur au quartier général des Forces armées royales (FAR), à Rabat et en grande pompe au mausolée du roi Mohammed V où une gerbe fut déposée au nom d’Israël, la délégation israélienne était l’hôte du ministre marocain de la Défense Abdellatif Loudiyi. Et ce, avant de rencontrer le chef des FAR, Belkhir El Farouk, et le chef du renseignement militaire, Brahim Hassani notamment.
« Le Maroc est un allié d’Israël. Il est un exemple d’une relation profonde entre nos peuples et d’un lien spécial basé sur un héritage commun ». Ainsi assurait le général Aviv Kochavi, lors de sa visite au cimetière juif et la synagogue Al-Azamaà Marrakech.
Bases marocaines pour l’aviation militaire israélienne?
Selon les indiscrétions de la presse israélienne, au cours de cette visite, les discussions auraient tourné autour d’une éventuelle coopération entre les deux armées de l’air.
« Une des choses qu’Israël espère promouvoir est une formation conjointe avec le Maroc sur des vols long-courriers. Et l’utilisation de bases aériennes marocaines pour que les avions de l’armée de l’air israélienne en route vers les États-Unis atterrissent pour faire le plein de carburant ». C’est ce que révèle Barak Ravid, correspondant à Tel Aviv du site américain Axios, citant de « hauts responsables militaires ».
Une normalisation qui passe à un palier supérieur
Pour rappel, le rapprochement entre l’Etat hébreu et le royaume chérifien s’est accéléré depuis la normalisation diplomatique opérée en décembre 2020 dans le cadre des accords d’Abraham. A savoir, un processus entre Israël et plusieurs pays arabes, dont Bahreïn et les Emirats-arabes-unis. Sachant que la normalisation des relations avec Israël a été obtenue grâce à un « deal » imaginé par Donald Trump. Soit: Normalisation avec l’Etat hébreu en contrepartie de la reconnaissance par les États-Unis de la marocanité du territoire disputé du Sahara Occidental.
A savoir également que la visite du chef d’état-major d’Israël au Maroc avait été précédée en novembre 2021 par celle du ministre de la Défense, Benny Gantz. Lequel avait signé à Rabat un protocole d’accord qui encadre les relations sécuritaires avec le Maroc. L’accord prévoit notamment une coopération entre services de renseignement, le développement de liens industriels, l’achat d’armements et des entraînements conjoints.
Fin mars 2022, une délégation de hauts gradés israéliens avait effectué une visite discrète au Maroc, laquelle avait abouti à la signature d’un accord de coopération et aux prémices de la création d’une commission militaire conjointe.
En juin 2022, pour la première fois, des observateurs militaires israéliens ont participé à l’exercice militaire « African Lion 2022 », le plus large sur le continent africain, co-organisé par le Maroc et les États-Unis.
Inquiétude et hostilité croissante
Notons enfin que ce partenariat stratégique et militaire suscite la défiance de l’Algérie voisine, grand soutien de la cause palestinienne, qui a fustigé « l’arrivée à présent de l’entité sioniste à nos portes ».
Côté marocain, « le chef d’état-major de l’armée israélienne est là pour une réelle coordination dans ce nouvel axe militaire. Ce nouvel Otan du monde arabe que les Israéliens, sous le parapluie américain, ont créé et dont Israël est le fer de lance, et qui se traduira par un risque de guerre accru ». Ainsi, déclarait à l’AFP le militant associatif marocain Sion Assidon, un septuagénaire d’origine juive berbère, traduisant le sentiment de la majorité silencieuse marocaine, hostile dans sa majorité à la normalisation, jugée contre-nature, avec les bourreaux du peuple palestinien.