Attaquons-nous maintenant à la deuxième expression « Fais-toi plaisir ». Cette phrase « Fais-toi plaisir » est souvent prononcée par les entraîneurs dans la communication dans un but d’encourager le sportif à activer la notion de plaisir dans ce qu’il entreprend et dans ce qu’il réalise aux niveaux technique et tactique; ainsi qu’au niveau de son engagement physique et de l’effort déployé.
Dans la communication, l’entraîneur l’utilise donc avec le souhait de stimuler chez le sportif le plaisir et la sensation de bien-être; malgré les difficultés qu’il pourrait rencontrer dans sa pratique. Et d’accepter une situation de tension nerveuse négative et de frustration passagère. Un objectif de contourner la fatigue, la souffrance, de toutes natures, pour être performant. Cela avec l’exigence d’une joie de vivre et de la bonne humeur.
Cette expression (toujours sous forme d’injonction) impose donc au sportif une obligation de prendre plaisir dans sa pratique. Elle impose une obligation de jouissance instantanée pour atteindre un niveau désiré en performance.
Inversement, cette expression ne stimule pas chez le sportif son besoin de comprendre et d’analyser les origines de sa frustration et son énervement, du désengagement, de l’amotivation, de la tristesse et de la tension nerveuse. Elle ne lui permet pas également de canaliser la tension musculaire, qui en résulte, et de l’adapter à ce qui devrait se passer réellement.
Doit-on être heureux pour être performant? Doit-on contrairement être triste? Comment se faire plaisir dans une situation ou les enjeux et le niveau de tension sont élevés et l’objectif et l’exigence du résultat sont importants?
« Fais-toi plaisir » : cette expression impose donc au sportif une obligation de prendre plaisir dans sa pratique
Nous pouvons donc nous poser la question de la pertinence et de la complétude de cette expression pour garantir une sensation de bien-être chez le sportif lors de son engagement dans son sport.
En effet, pour ressentir du plaisir, la nature nous a dotés de substances chimiques, les neuromédiateurs ou neurohormones. Ce sont de petites molécules secrétées par le cerveau et qui agissent sur les neurones, dès que la situation plaisante pointe le bout de son nez. Le plaisir est aussi un état de satisfaction intérieur en lien avec les choses de l’environnement extérieur. Quand on éprouve du plaisir les muscles se relâchent, le corps s’abandonne et le temps se dilue. Une sensation de plénitude nous inonde, allant parfois jusqu’à l’extase… On peut ressentir cela lors de la pratique d’un sport ou de la relaxation par exemple.
Ces sécrétions auraient-elles besoin d’injonctions externes pour s’activer? Malheureusement non! Voyons cela en détail.
Les endorphines interviennent dans notre organisme comme des récompenses aux efforts fournis. Elles sont libérées par le cerveau, notamment dans les situations de stress (psychologique ou physique) et de façon plus importante pendant et après l’exercice physique. La quantité d’endorphines augmente pendant un effort soutenu et prolongé.
La dopamine, un neurotransmetteur et une autre hormone du plaisir, elle est aussi stimulée par le sport. Nous savons que la dopamine est au cœur du système de récompense de notre esprit. Ce système est celui qui nous procure un sentiment de satisfaction après avoir exécuté une tâche, un objectif. Elle semble également être libérée lors de l’exécution de tâches plus complexes, en lien avec la motivation nécessaire pour les réaliser. Comprendre la dopamine, c’est comprendre ce qui anime notre pensée profonde.
Nous pourrons par la suite commencer à apprivoiser le Flow (la Zone de Performance Optimale par excellence), qui est un état de bien-être chez le sportif, où tout est synchronisé et orienté vers la réalisation d’un objectif, avec un engagement plein, une mobilisation totale de ses ressources holistiques et sans aucun phénomène de divagation (l’esprit qui se désengage et qui vagabonde très loin de l’objectif du moment et des taches à réaliser).
« Les endorphines interviennent dans notre organisme comme des récompenses aux efforts fournis. Elles sont libérées par le cerveau… »
Par conséquent, l’expression « Fais-toi plaisir » ne pourrait en aucun cas stimuler la sensation de plaisir chez le sportif. Le travail préconisé serait d’aider le sportif à développer le goût à l’effort, le goût à la répétition de l’effort et le goût au dépassement. Cela agirait sur la nature de la motivation intrinsèque (continuum de l’autodétermination) et permettrait au sportif d’activer chez lui, d’une manière autonome et autodéterminée, les mécanismes nécessaires à la sécrétion des molécules de plaisirs, que nous venons de citer.
Et si pour un sportif il serait important de commencer sa compétition par s’énerver, par être triste ou par pleurer même, pour pouvoir ensuite s’activer, mobiliser ses ressources et s’engager pleinement dans ce qu’il va entreprendre. Cela avec une dépense énergétique importante et un effort incroyable qui lui permettrait par la suite de rentrer dans sa Zone du plaisir intense et de réaliser des performances extrêmement élevées !
Il est plus qu’utile de faire réfléchir et de laisser s’exprimer un sportif sur ses sensations, ses émotions, et de l’aider à identifier et à contextualiser leurs origines afin de pouvoir ensuite les canaliser au service de la réalisation d’un objectif temporel et précis.