Après onze années d’une démocratie chaotique et en dents de scie, les Tunisiens ont pris, le 25 juillet 2022- date qui correspond au 66e anniversaire de la proclamation de la République par le Combattant suprême- le chemin des urnes. Et ce, pour participer au référendum sur le projet de Constitution. Comment les résultats partiels de ce scrutin référendaire ont-ils été perçus par les chancelleries occidentales?
C’était tout à fait prévisible que les yeux du monde entier soient braqués sur le processus démocratique tunisien. Notamment ceux de l’Union Européenne, notre premier partenaire économique. Ainsi que ceux de l’administration américaine de Joe Biden. Laquelle est très sourcilleuse sur les questions de la démocratie et des droits de l’Homme.
Ainsi, après Washington qui a déjà exprimé ses craintes quant au risque que la nouvelle Constitution ne garantisse pas suffisamment les droits et libertés des Tunisiens; Bruxelles a à son tour réagi aux résultats du référendum.
UE : pour dialogue national inclusif
En effet, dans un communiqué rendu public, hier mercredi 27 juillet 2022, le Haut Représentant au nom de l’Union Européenne, Josep Borel, épingle le faible taux de participation au référendum. De même qu’il appelle à un large consensus. Et ce, afin d’établir un « dialogue national inclusif ». Avant de passer à l’étape suivante: les élections législatives du décembre 2023.
L’UE « prend note des résultats provisoires du référendum constitutionnel qui s’est tenu en Tunisie le 25 juillet ». Lequel a été marqué « par une faible participation ».
Toutefois, avertit le Haut Représentant, « un large consensus parmi les différentes forces politiques, y compris les parties politiques et la société civile, est essentiel pour la réussite d’un processus qui préserve les acquis démocratiques et nécessaire pour toutes les réformes politiques et économiques importantes qu’entreprendra la Tunisie. La légitimité et la durabilité de ces réformes en dépendront ».
En outre, Josep Borell rappelle que l’Union européenne et la Commission de Venise ont maintes fois appelé à un « dialogue national inclusif ». Ainsi qu’à l’élection d’un nouveau Parlement « dans le plein respect des principes démocratiques. En particulier la séparation des pouvoirs, la consolidation de l’État de droit, le pluralisme; ainsi que le respect des droits humains et des libertés fondamentales ».
« A cet égard, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté de manifestation ainsi que les autres libertés fondamentales sont des valeurs essentielles des États démocratiques, auxquelles l’Union européenne tient tout particulièrement et qui doivent être préservées ». Ainsi poursuit le responsable européen.
Indulgence
Par ailleurs, a-t-il promis, l’UE « restera aux côtés du peuple tunisien et à l’écoute de ses besoins en ce moment crucial pour le pays ». De même qu’elle « continuera de soutenir le peuple tunisien pour répondre aux défis socio-économiques et financiers majeurs auxquels la Tunisie est confrontée. Lesquels ont été aggravés par l’impact de l’agression russe contre l’Ukraine sur la sécurité alimentaire et énergétique, et qui nécessitent des réformes structurelles urgentes ».
Les conditions américaines
Rappelons dans le même contexte que le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a fait part, lundi 25 juillet, de « l’inquiétude » de son pays. Et ce, quant à la nouvelle Constitution tunisienne, qui vient d’être adoptée, à l’issue du référendum du 25 juillet. Pour quelle raison?
« Les USA font part de leur crainte que la nouvelle Constitution ne comporte de faibles contrepoids qui pourraient compromettre la protection des droits humains et des libertés fondamentales ». C’est ce qu’il a expliqué.
Le responsable américain a également pris note du « faible taux de participation au vote ». Soulignant « qu’une grande majorité de la société civile, des médias et des partis politiques ont émis des réserves sur l’absence de transparence et d’inclusivité dans ce processus ».
Mais, a-t-il ajouté, « c’était aux Tunisiens de décider de leur futur politique ». Soulignant que le pouvoir en place devrait se concentrer sur le futur économique du pays.
Revenant à la charge, Ned Price a souligné, lors du point de presse de mardi 26 juillet 2022, que les États-Unis sont informés des inquiétudes des Tunisiens concernant le référendum du 25 juillet.
« Les inquiétudes de beaucoup de Tunisiens concernent l’absence d’un processus inclusif et transparent; ainsi que l’absence d’un véritable débat public durant la rédaction de la nouvelle constitution. Et nous savons aussi que des inquiétudes concernent les contrepoids affaiblis dans la nouvelle constitution. Ce qui compromet la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales », a déclaré le responsable américain.
Ned Price a enfin affirmé que les États-Unis continuent de souligner « l’importance du respect de la séparation des pouvoirs et d’un code électoral inclusif et transparent qui permette une participation large aux élections prévues le 17 décembre prochain ».
Alors, le président de la République, Kaïs Saïed, plébiscité d’un « Oui » massif lors du scrutin référendaire du 25 juillet prendra-t-il en compte les dernières déclarations des responsables américains sur la Tunisie? Il en va des intérêts supérieurs de notre pays. Et ce, au moment même où nous négocions avec les bailleurs de fonds pour de nouveaux prêts et de nouvelles aides afin de relancer la machine économique totalement grippée. Or, tout le monde sait qui détient les clés du FMI.