Pour la première fois, Abir Moussi, semble tendre la main « à toutes les forces vives du pays pour s’engager, via une charte politique consensuelle, dans une mobilisation générale pour rectifier la trajectoire ». Pourquoi pas? Sauf que l’obstacle à cette main tendue… n’est autre que la personnalité controversée de la cheffe du parti destourien.
Que l’on l’aime ou que l’on déteste, la cheffe du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, demeure une actrice politique centrale dans l’échiquier politique. Mais, elle ne laisse personne indifférent.
Abir Vs Moussi
Dotée d’une personnalité complexe, cette brillante avocate de son état a du courage à en revendre, une tête carrée et bien pensante, un discours fluide et bien argumenté (elle peut tenir un discours de deux heures sans notes). De plus, elle peut être dans la retenue: réaliste, pondérée. Mais, déplorent ses détracteurs, Abir Moussi peut être explosive, impulsive parfois irréfléchie et surtout excessive dans ce qu’elle dit et entreprend. Bref, une dame à mille facettes comme s’il y avait en elle Abir Vs Moussa.
Un discours excessif
Sinon comment expliquer sa réaction intempestive aux résultats du référendum sur le projet de Constitution lorsqu’elle estimait, à juste titre, que plusieurs infractions et violations de lois, ont été constatées lors de l’opération du vote. Tout en remerciant tous les Tunisiens qui n’ont pas participé « à ce crime contre l’humanité ». Sic.
Car, appeler à boycotter le référendum du 25 juillet qu’elle considère comme une un plébiscite pour le président de la République est une chose, mais traiter le scrutin référendaire de « crime contre l’humanité » est un excès de langage qu’un homme d’Etat digne de ce nom ne peut se permettre. « Tout ce qui est excessif est insignifiant », disait Talleyrand.
Et que dire de la vidéo postée mercredi 20 juillet 2022 sur les réseaux sociaux, pour annoncer que son parti a décidé de célébrer la fête de la République le 30 juillet prochain et non le 25 juillet: « Nous allons fêter malgré vous la fête de la République, et nous allons le faire après votre cérémonie et vos plans destructeurs. Nous le ferons le 30 juillet, et faites ce que vous pouvez pour l’empêcher ».
En agissant ainsi, Abir Moussi, ne divise-t-elle pas les Tunisiens en fêtant une date parallèle à celle officielle du 25 juillet? Une grave faute politique car un homme d’Etat est soucieux de la cohésion sociale non du clivage sur une date politique sensée faire l’unanimité.
De la pertinence d’une logique froide
Mais, ces écarts de langage ne sauraient cacher que dans l’ensemble, elle tient un discours cohérent et solide. Des exemples?
Lors d’une conférence de presse tenue hier jeudi 28 juillet, consacrée à la position du PDL envers le référendum voulu, conçu et écrit par le chef de l’État en personne, Abir Moussi qui avait auparavant, rappelons-le, appelé à son boycott, exige « la tenue d’une élection présidentielle anticipée avant la fin du mois de septembre, afin qu’il y ait un président capable de prêter serment et de désigner une Cour constitutionnelle ». En parallèle, elle préconise la tenue d’élections législatives dans la foulée, même à la date fixée par Kaïs Saïed ».
Logique. Car elle relève que la nouvelle Constitution, laquelle entre officiellement en vigueur le 28 juillet en cours, prévoit qu’en cas de vacance du poste de président de la République, le président de la Cour constitutionnelle le remplace, « Or cette institution n’est pas encore mise en place », a-t-elle fait pertinemment observer.
Et que faire en cas de vacance du poste de président de la République pour maladie grave ou décès? « Si demain cette constitution entre en vigueur et qu’il arrive malheur à Kaïs Saïed, nous serons face à un vide politique dangereux ». Le saut dans l’inconnu.
Quand Abir Moussi se la joue collectif
D’autre part, la présidente du parti destourien Abir Moussi ne se la joue pas solo en s’ouvrant pour la première fois, signe d’une maturité politique, à d’autres forces politiques. Ainsi, elle a présenté une offre politique « aux forces civiles et politiques démocratiques progressistes », les incitant à travailler ensemble en vue de contrer le processus mené par le président de la République, Kaïs Saïed.
« Nous sommes prêts, encore une fois, à tendre la main à toutes les forces vives du pays pour s’engager, via une charte politique consensuelle, dans une mobilisation générale pour rectifier la trajectoire ». Ainsi, s’est-elle exprimée lors de sa conférence de presse.
Dans la pratique, elle a dévoilé un projet de document politique intitulé « rectification du processus », qu’elle propose à toutes les « forces progressistes » en vue d’être discuté, entériné et servir de « plateforme de travail conjoint ». Et ce, « pour entrer unis, aux élections ».
Ce projet de document politique s’articule autour de la mise en place « d’une république civile, sociale et souveraine, où il n’y a pas de place à l’islam politique, ainsi qu’un régime démocratique pluraliste reposant sur la séparation et l’équilibre des pouvoirs, s’engageant à garantir les libertés individuelles et publiques, et les droits de l’homme dans leur universalité et leur interdépendance ». Rien à dire sur projet que tous les démocrates appellent de leurs vœux.
Mais s’agit-il d’une plateforme politique pour l’avenir ou juste une coalition électorale pour contrer le projet de Kaïs Saïed? Et qui en sera l’architecte en chef? Le parti destourien?
C’est là où le bât blesse. Car aucun dirigeant parti politique, égo surdimensionné oblige, n’acceptera ni de jouer les seconds couteaux ni de se soumettre au caractère autoritaire et rugueux de la « lionne ».