A l’instar de Recep Tayyip Erdoğan qui déjoua en 2016 la tentative de coup d’État en Turquie grâce à la mobilisation de ses partisans, Rached Ghannouchi espérait que les nahdhaouis volent à son secours quand il était refoulé devant les portes du siège du Parlement dans la nuit du 25 juillet. Amère désillusion.
En dépit de quelques passages sans conséquences devant le parquet, dont le dernier en date était le 19 juillet 2022 ; il est sorti libre comme du vent à l’issue sa comparution devant le juge d’instruction du pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme. En prétendant sans sourciller avoir obtenu un non-lieu alors qu’en vérité il était maintenu en état de liberté, Rached Ghannouchi ne finit pas de faire des déclarations provocantes aux médias étrangers.
Il donne ainsi l’impression troublante qu’il est insubmersible et incontournable, qu’il ne craint point les foudres de la justice de son pays, étant protégé par les forces occultes de ses amis de la puissante confrérie des Frères musulmans. Le Qatar, la Turquie ? Les deux à la fois ?
Autres temps, autres mœurs
C’est dans cette logique que le Lider Maximo du mouvement islamiste d’Ennahdha nous a sorti une perle digne de figurer dans le Guiness de l’absurde et du burlesque, lors ce qu’il avançait, sans rire, lundi 1er août sur les colonnes d’Al-Quds Al-Arabi, que les nahdhaouis « avaient raté l’occasion de déjouer le coup de force de 25 juillet comme l’avaient fait les Trucs en 2016 lors de la tentative de coup d’État contre Erdoğan.
Désistement
Or, y a-t-il une similitude entre ce qui se passait en Turquie en 2016 et les événements du soir du 25 juillet 2021, précisément lors ce que Ghannouchi s’est vu refuser l’entrée au siège du Parlement dont les portes étaient protégées par un blindé ?
Pour rappel, durant des heures de cette fameuse nuit qui a vu sa chute vertigineuse, l’ex-président de l’ARP appelait fiévreusement « le peuple nahdhaoui » à venir nombreux le rejoindre devant le siège du Parlement afin de « contrecarrer le coup d’Etat de Kaïs Saied ». Résultat : des groupes parsemés de ses soutiens ont répondu à l’appel mais ils ont du rebrousser chemin sous les insultes et les quolibets.
Comment justifier cet acte de « non assistance » de la part du « peuple d’Ennahdha » à leur chef ? « Nous nous sommes rassemblés devant le Parlement dans la nuit du 25 au 26 juillet 2021, a-t-il indiqué dans la même interview, mais seules quelques centaines de personnes ont pu nous rejoindre. Pendant ce temps plus de 150 locaux appartenant à Ennahdha avaient alors été incendiés et les Nahdhaouis étaient occupés à éteindre les feux ». Heureusement que le ridicule ne tue point !
Pour rappel, Dans la journée du 25 juillet, avant l’annonce du gel du Parlement, plusieurs manifestations ont éclaté dans plusieurs villes tunisiennes appelant à la chute du gouvernement Mechichi. Des slogans anti-islamistes furent scandés et certains locaux du parti Ennahdha saccagés. Mais le nombre de 150 locaux reste à vérifier.
Mais de quoi parlait Rached Ghannouchi au juste quand il évoquait la tentative de putsch en 2016 contre son mentor et gourou Recep Tayyip Erdoğan ? Retour en arrière.
L’exemple du coup d’Etat turc
En effet, une tentative de coup d’État en Turquie a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 juillet 2016 principalement à Ankara et Istanbul. Elle a été commanditée par un « Conseil de la paix dans le pays », une faction des Forces armées turques que le gouvernement turc accuse d’être liée à Fethullah Gülen. La tentative s’est soldée par un échec et le dernier bilan officiel fait état de plus de 290 morts et 1 440 civils blessés.
Entre temps, dans une allocution à la télévision CNN Türk diffusée via l’application de visioconférence FaceTime, Erdoğan dénonce le « soulèvement d’une minorité au sein de l’armée » et appelle les Turcs à descendre dans les rues pour résister à la tentative de coup d’État. Cet appel fut entendu, et des milliers de citoyens ont investi les rues avortant ainsi le complot dans l’œuf.
Dans les jours suivants le putsch, les autorités turques entreprennent une série d’arrestations et de renvois au sein des Forces armées du pays, militaires, gendarmes, dans la police, mais aussi de l’enseignement, de la justice, du secteur de la santé, des médias et du secteur privé.
Suivait une terrible répression. Ainsi, 16 chaînes de télévision accusées d’être proches du mouvement güleniste sont mises hors service et 24 journalistes sont arrêtés. L’état d’urgence est décrété pour une durée de 3 mois et la Turquie annonce qu’elle va temporairement déroger à la Convention européenne des droits de l’homme.
Sachant que la presse internationale n’hésitait pas à accuser le maître d’Ankara d’avoir eu recours à une une « purge à grande échelle » visant à écarter les opposants du président Recep Tayyip Erdoğan des institutions étatiques.
Le déni de Ghannouchi
Enfin, dans un autre registre, le cheikh de Montplaisir a affirmé dans une interview diffusée le 29 juillet 2022 par la chaîne CNN Arabic, que l’utilisation de l’expression « la décennie noire » visait à porter atteinte à l’expérience démocratique en Tunisie. Estimant « qu’Ennahdha n’était pas l’unique responsable de la détérioration de la situation du pays ».
D’après lui, feu Béji Caïd Essebsi et son parti Nidaa Tounes avaient gouverné durant la moitié de la dernière décennie. « Ennahdha ne cherche pas à se dérober de ses responsabilités, mais refuse d’être tenu pour unique responsable ». Malheureusement, ce n’est pas totalement faux.