Dans cette affaire de suspension de la révocation de certains juges, il n’y a ni vainqueur ni vaincu. Sauf évidemment la Tunisie et les Tunisiens.
La médiologie, « un courant de pensée qui étudie le conditionnement technique des formes symboliques », s’est inscrite en faux contre ce fameux proverbe chinois: « Lorsque le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». Dans la mesure où quelquefois, et on ne cessera pas de le dire, la vérité ou encore la réalité n’est pas toujours celle que l’on croit voire ou encore imaginer. Et que regarder le doigt n’est pas, pour ainsi dire, aussi mauvais que cela! Ainsi pourrait-il être du cas de cette suspension par le Tribunal administratif de la décision de révocation de certains juges prise par le chef de l’Etat, en juin 2022.
Evidemment de tels propos ne peuvent qu’étonner. Cette suspension est d’abord, et sans doute interprétée, comme seulement une « victoire » sur le chef de l’Etat.
Mais à bien réfléchir est-ce bien le cas? Force est de constater que cela peut montrer que le chef de l’Etat n’a pas somme toute une mainmise sur la justice que l’on dit qu’il a dompté avec la mise ne place d’un Conseil supérieur de la magistrature dont les membres sont nommés par lui-même. Un argument qui peut à ce titre le servir.
Une affaire de prisme
Cela dit, cette suspension n’est qu’une « demi-victoire » dans la mesure où le Tribunal administratif n’a répondu favorablement qu’aux recours déposés par la majorité des juges et non de tous. Ce qui peut laisser croire que la décision prise à l’encontre d’une partie des juges révoqués n’est pas aussi infondée que cela.
Et ce n’est pas plaider la cause de Kaïs Saïed que de le dire. On a l’occasion, ici et maintenant, de donner la preuve que le chef de l’Etat n’est pas, comme on le dit, et malgré tout, le seul maître à bord. Dans la Tunisie de l’après 25 juillet 2021, les décisions du chef de l’Etat peuvent être contredites. Des institutions sont là et peuvent renverser toutes les vapeurs contraires. Comme dans toute démocratie qui se respecte.
Evidemment cette suspension n’est qu’un épisode à ce niveau. Et une hirondelle, comme on le dit, ne fait pas le printemps. Un épisode qui peut servir somme toute d’exemple pour dire que l’espoir est largement permis de croire que les gouvernants ne peuvent tout permettre et tout se permettre. Auquel cas, la Tunisie sort vainqueur.
Ainsi, celui qui porte un jugement se doit de ne pas plonger tête baissée dans une affaire qu’il n’examine qu’à travers un seul prisme.