La Direction Centrale de la Compétitivité relevant de l’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives (l’ITCEQ) vient de publier un tableau de bord inquiétant sur la Compétitivité de l’économie tunisienne. Le document se donne l’objectif de présenter l’évolution tendancielle des principaux indicateurs ayant trait à la compétitivité de l’économie tunisienne depuis les années 2000.
Selon l’ITCEQ, les indicateurs reflètent les résultats enregistrés dans différents domaines touchant plusieurs aspects d’ordre économique et social. En effet, ce tableaux de bord s’est focalisé sur la croissance, le dynamisme économique, la stabilité du cadre macro-macroéconomique, le système bancaire et le marché boursier, la compétitivité interne et externe, l’intégration, le niveau de vie et la cohésion sociale, les ressources humaines et enfin l’infrastructure technologique.
Une croissance en berne
La croissance économique a nettement ralenti entre 2011 et 2020 comparativement à la décennie précédente (0.58% contre 4.5% en moyenne par an respectivement) avec des baisses substantielles enregistrées en 2020 sous l’effet de la Covid-19 ainsi qu’en 2011 suite à l’instabilité politique, sécuritaire et sociale post-révolution conjuguée à une conjoncture internationale défavorable. Une reprise de l’activité économique est estimée à 2.9% en 2021 et réévaluée à 2.2% en 2022 selon le FMI en tenant compte des effets directs et indirects du conflit Russie Ukraine sur l’économie nationale.
Baisse de l’investissement et de la productivité locale
L’effort d’investissement a régressé depuis 2011, atteignant en moyenne 19.8% entre 2011 et 2020 contre 24% durant la période 2001-2010. Une forte contraction de ce taux est, également, enregistrée depuis 2020 pour ne pas dépasser 15.4% en 2022.
Le niveau de l’ICOR ((Incremental Capital Output Ratio : C’est le rapport en volume entre l’investissement et la variation absolue de la valeur ajoutée) a été relativement élevé sur la période 2012-2019 comparativement à la période 2000-2010 (10.7% contre 6.2% en moyenne par an respectivement) traduisant un manque d’efficacité de l’utilisation des investissements. Corrélativement, la productivité du capital a subi en moyenne une baisse de 1.7% entre 2011 et 2020, synonyme d’une contribution négative de ce facteur à la croissance.
Creusement des déficits
Le déficit courant en pourcentage du PIB s’est largement creusé depuis 2011 atteignant des pics en 2017 et 2018 (10.3% et 10.8% respectivement). Et ce, en étroite relation avec l’élargissement du déficit commercial. Son niveau s’est réduit depuis 2019 et s’est maintenu à 6.2%. Le déficit budgétaire s’est également creusé depuis 2011 pour se situer à 5.4% du PIB en moyenne durant la période 2011-2020; contre 2.6% au cours de la décennie précédente. Son niveau a été particulièrement élevé en 2020 puis en 2021 sous l’effet de la Covid-19.
Tendance haussière du taux d’inflation
Le taux d’inflation a connu une évolution globalement haussière depuis 2011 pour atteindre en moyenne 5.3% jusqu’à 2020 avec un niveau record en 2018 (7.5%). Des pressions inflationnistes persistent durant le premier semestre de 2022 et risquent de s’amplifier suite à l’envolée des prix des matières premières et des carburants induits par le conflit Russie / Ukraine.
Une épargne nationale en baisse
L’épargne nationale brute s’est sensiblement réduite pour se limiter à 12.8% du revenu national brut en moyenne sur la période 2011-2022 (contre une moyenne de 21.4% entre 2001-2010). Se traduisant par une décélération de la capacité d’autofinancement des investissements.
Les indicateurs du marché financier ont connu une évolution haussière notamment entre 2005 et 2010. Comme l’illustrent les niveaux de la capitalisation boursière et du volume des transactions de titres. Ces deux indicateurs étant passés de 10.2% et de 4% du PIB en 2005 à 24.1% et 4.3% respectivement en 2010. Une telle évolution pourrait s’expliquer par le dynamisme au niveau de l’offre induit par les nouvelles introductions en bourse conjuguées aux résultats favorables affichés par les sociétés cotées et renforçant la confiance des investisseurs. Néanmoins, un certain repli de ces indicateurs est perçu en début de la période post révolution ainsi que durant les années 2019 et 2020.
Pouvoir d’achat des ménages affaibli
Le niveau de la part des créances professionnelles impayées ou en contentieux a dépassé 14% en 2019 et 2020 contre 12% en 2010. Leur répartition sectorielle révèle que le secteur des services plus particulièrement le « commerce, réparation automobiles et articles domestiques » ainsi que « hôtels et restaurants » accaparent structurellement les parts les plus élevées.
La consommation privée par habitant est estimée à une moyenne de 6142.5 dinars par an durant la décennie 2011-2022. Elle s’est accrue, en terme nominal, au même rythme que la décennie précédente soit au taux annuel moyen de 7.2%.
Le pouvoir d’achat des ménages s’est nettement affaibli durant la période 2011-2022 dans la mesure où la croissance du RNDB nominal a ralenti (5.8% contre 7.2% entre 2001- 2010). Alors que les prix à la consommation ont sensiblement augmenté durant cette sous période (5.3% contre 3.4% respectivement). La pression fiscale moyenne sur la période 2011-2020 a dépassé les 22% et s’est élevée à 25% en 2022. Son niveau s’avère parmi les plus élevés en Afrique et par rapport à plusieurs pays concurrents. Un tel phénomène serait l’un des facteurs à l’origine de l’accentuation de l’évasion fiscale en Tunisie.
Un marché interne modeste et des exportations peu diversifiées
Le niveau de la part de marché interne demeure structurellement modeste ne dépassant pas les 53% en moyenne sur toute la période 2000-2022. Ce qui requiert, selon l’analyse de l’ITCEQ, une utilisation efficace des facteurs de production pour répondre à la hausse de la consommation de l’économie tunisienne. Outre l’amélioration de la compétitivité des produits nationaux pour affronter la concurrence étrangère.
La part de marché de biens sur l’Union Européenne a accusé une baisse de 1.7% en moyenne sur la période 2011-2021 (contre une hausse moyenne de 1.2% entre 2001 et 2010). Cette baisse a été particulièrement prononcée entre 2016 et 2021.
Les exportations tunisiennes par marché et, à moindre degré, par produit demeurent peu diversifiées. Elles sont concentrées sur les produits des IME et du THC qui accaparent, à eux seuls, plus de 75% des exportations de biens et destinées principalement vers trois marchés de l’Union Européenne (France, Italie et Allemagne).
Infrastructure technologique en Tunisie encore modeste malgré les efforts consentis
Les nombres de lignes téléphoniques, de ménages équipés d’ordinateurs et d’utilisateurs d’internet, ainsi que la capacité de la bande passante ont connu des hausses significatives. Reflétant ainsi l’importance des efforts consentis pour développer l’infrastructure technologique en Tunisie. Bien qu’elle reste encore modeste comparativement à celle de certains pays sud-est asiatiques et plusieurs PECO.
Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur a connu une évolution haussière durant la décennie 2000-2010 pour atteindre un pic de 87 214 diplômés en 2010. Néanmoins un retournement de tendance est perçu par la suite, avec une baisse au taux annuel moyen de 4.4% entre 2011 et 2019 suivie d’une reprise en 2020.